10 ans après la faillite de Lehman Brothers

Philippe Waechter, Ostrum AM

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Le 15 septembre 2008, la chute de la banque provoquait une tempête sur l’économie mondiale. Retour sur les faits et conséquences actuelles.

©Keystone

L’ampleur et la persistance du choc de 2008 restent impressionnantes. Certains avaient prévu la possibilité d’un ajustement en provenance du marché immobilier mais personne n’en avait perçu l’intensité et la durée.

Depuis la fin du printemps 2007 et jusqu’à l’automne 2008, le système financier s’est délité à une allure et une facilité impressionnante. La faillite de Lehman en a été le point d’orgue. D’abord, parce que sa faillite venait après celle d’autres banques d’affaires mais qui elles, avaient été reprises par d’autres établissements financiers. Mais surtout parce que cette faillite avait été acceptée sans que l’on puisse en appréhender les conséquences. Elle ouvrait la porte sur l’inconnu. 

Dix ans auparavant: que s’est-il passé?

L’économie mondiale s’est arrêtée presque instantanément en raison d’une défiance vis-à-vis du système financier et au sein même de celui-ci. Le financement du commerce mondial s’est tari, et, d’un seul coup, les flux commerciaux se sont arrêtés. La contagion du choc à l’ensemble de l’économie mondial a été immédiate et l’activité s’est figée.

Réactions des autorités et du secteur financier 

A la Maison Blanche, Christina Romer, à l’époque présidente du Council of Economic Advisers de Barack Obama, a très vite pris conscience de l’ampleur du choc et de ses possibles conséquences. Son objectif: limiter à tout prix le risque d’un remake des années 30, bien que le choc de 2008 était d’une ampleur bien supérieure. En effet, la crise de 1929 ne portait que sur le marché des actions. Celle de 2008 a connu une chute du marché des actions à laquelle s’additionnait le repli depuis de nombreux mois du marché immobilier américain. En Espagne, au Royaume-Uni ou encore en France, les marchés de l’immobilier ont connu eux aussi une forte baisse. L’idée d’une relance budgétaire coordonnée avait du sens pour éviter que la situation ne dégénère. La question qui tarabustait à l’époque était celle de son ampleur et de sa durée. Cette question n’est pas close. Récemment, Paul Krugman reprenait dans le New York Times les arguments qu’il avait développé à l’époque sur l’insuffisance des moyens mis en œuvre pour recaler l’économie sur la bonne trajectoire.

Du côté des banques centrales, la Fed a été la première, avec la Banque du Japon, a abaissé son taux de référence à 0% dès le mois de décembre 2008. Les autres banques ont réagi mais avec un peu de délai. La Banque d’Angleterre ne réduisait son taux à 0,5% qu’au mois de mars et la BCE n’a baissé son taux de refi à 1% qu’au mois d’avril 2009. Ce policy mix a très vite eu un effet positif puisque le point bas de la récession est généralement daté au deuxième trimestre 2009.

Les banques centrales venues en aide

Au niveau du secteur bancaire et financier, les banques ont dès lors commencé à s’interroger sur la valeur de leurs portefeuilles de titres et sur ceux de leurs partenaires et concurrents. La dynamique interbancaire ne peut fonctionner que si les banques ont confiance l’une envers l’autre. Si cela n’est plus le cas, le système se bloque. C’est cette défiance qui a obligé les banques centrales à intervenir massivement et à se substituer aux mécanismes de marchés pour que chaque économie continue malgré tout à fonctionner.

«Il n’y a pas de risque sur le système bancaire mais tous les gouvernements
mettent des plans d’une taille gigantesque pour contrer de possibles faillites.»

Très vite, les gouvernements ont pris des mesures pour limiter les risques de contagion du secteur bancaire. Le but était de limiter le risque de faillite. En France, chaque banque a eu des quasi fonds propres quelle que soit sa situation. Le plan était supérieur à 400 milliards d’euros et aux Etats-Unis le TARP supérieur à 700 milliards de dollars. C’était là un des paradoxes de cette période. Chaque client bancaire se demandait si sa banque allait tenir le choc car si une banque comme Lehman faisait faillite, qu’en serait-il de la sienne. Afin d’éviter toute panique bancaire, les gouvernements s’efforçaient de convaincre que le choc Lehman ne se propagerait pas et que les systèmes bancaires étaient robustes. Pourtant ils mettaient en place des plans d’une taille inouïe pour limiter le risque d’un crash bancaire. Cette distorsion dans la perception du risque bancaire a joué un rôle majeur dans le comportement des acteurs de l’économie. 

La crise de 2008 est avant toute chose une crise de la dette privée avec l’accumulation d’un actif financé par de la dette. La dette publique n’était pas du tout un problème. Dans le processus d’ajustement, on a observé un transfert de dette du secteur privé vers le secteur public. L’acceptation d’un déficit public important permettait de lisser les chocs macroéconomiques dans le temps et d’en mutualiser ainsi le coût. C’est d’ailleurs le rôle de la dette publique que d’amortir les chocs dans le temps et de ne pas en faire porter le coût sur un acteur économique précis. 

Comment juger de ces politiques aujourd’hui, dix ans après?

La crise a un coût permanent pour quasiment toutes les économies occidentales. On peut le voir en comparant la trajectoire effective de chaque économie à la tendance qu’elle aurait eu si la crise n’avait pas eu lieu. Dans le calcul de la tendance (figure ci-dessous), la dernière année de croissance, 2007, souvent un peu excessive par rapport au passé a été éliminée. 

Le coût est considérable. Au deuxième trimestre 2018, la zone euro a un PIB inférieur de 8% environ à ce qu’il aurait été sans la crise. Le chiffre est le même en France (le niveau du PIB aurait été 8% plus élevé en France si celui-ci avait suivi sa tendance d’avant crise). Il est nettement plus élevé en Espagne, aux Etats-Unis ou encore au Royaume-Uni où les taux de croissance étaient très forts avant la crise. Seule l’Allemagne connait une croissance plus élevée que celle d’avant crise.

Quand on regarde le graphique on constate qu’il n’y a aucune convergence vers la tendance antérieure. La croissance est plus faible et elle ne revient pas sur la dynamique d’avant. C’est d’ailleurs un des drames de cette période post-crise. La croissance est plus réduite et ne donne pas de signaux de ré-accélération. On ne rattrapera jamais ce qui a été perdu.

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