Nissan-Renault: Carlos Ghosn de nouveau en garde à vue

AWP

2 minutes de lecture

Carlos Ghosn a été interpellé jeudi matin sur de nouveaux soupçons de malversations financières, un mois à peine après avoir été libéré sous caution.

© Keystone

Carlos Ghosn a été interpellé jeudi matin à son domicile de Tokyo sur de nouveaux soupçons de malversations financières, un mois à peine après avoir été libéré sous caution, une arrestation qu’il a jugée «révoltante et arbitraire».

Les enquêteurs du bureau des procureurs se sont rendus au petit matin à son immeuble devant lequel une tenture grise avait été dressée, selon des images diffusées sur les chaînes de télévision japonaises.

Une voiture a quitté les lieux moins d’une heure plus tard, d’après le direct diffusé sur la chaîne Nippon TV. Selon cette télévision privée, M. Ghosn était à bord. Il a été plus tard conduit au centre de détention de Kosuge (nord de la capitale).

Il est «extrêmement rare» qu’un suspect soit ré-arrêté après avoir été relâché, soulignaient les médias locaux.

Sa libération le 6 mars, moyennant le paiement d’une caution d’un milliard de yens (8 millions d’euros), avait déjà surpris. Par le passé, des détentions pour des cas similaires avaient duré beaucoup plus longtemps mais l’affaire Ghosn, de par la notoriété du suspect, a jeté une lumière crue sur le système judiciaire japonais, soulevant des critiques à l’étranger.

«Manoeuvre de Nissan»

«Pourquoi venir m’arrêter alors que je n’entravais en rien la procédure en cours, sinon pour me briser ?», a lancé le magnat de l’automobile déchu dans un communiqué transmis à l’AFP et probablement rédigé au préalable. Et d’ajouter: «Je suis innocent de toutes les accusations infondées portées contre moi et des faits qui me sont reprochés».

Cette arrestation «fait partie d’une nouvelle manoeuvre de certains individus chez Nissan qui vise à m’empêcher de me défendre en manipulant les procureurs», a-t-il accusé, reprenant le thème du «complot» brandi dans de précédentes interviews accordées en prison.

Son avocat Junichiro Hironaka s’est lui aussi insurgé contre les méthodes du parquet: «Nous ne comprenons pas pourquoi ils ont besoin de le placer en détention. (...) C’est extrêmement injuste». Le défenseur tiendra un point de presse à 15h15 heure de Tokyo (06h15 GMT).

Ce nouveau rebondissement dans un interminable feuilleton, qui s’est ouvert le 19 novembre avec l’arrestation surprise de celui qui était alors le tout-puissant PDG de l’alliance automobile Renault-Nissan-Mitsubishi Motors, intervient alors même qu’il avait décidé de prendre la parole pour la première fois depuis sa sortie de prison.

M. Ghosn, 65 ans, avait annoncé mercredi via Twitter, de façon impromptue, qu’il s’exprimerait devant la presse le 11 avril.

«Je me tiens prêt à dire la vérité à propos de ce qui se passe. Conférence de presse jeudi 11 avril», avait-il écrit dans un court message sur un compte certifié, qui, selon une porte-parole, est administré par ses avocats.

«Procès équitable»

Déjà sous le coup de trois inculpations pour déclarations inexactes de revenus sur les années 2010 à 2018, dans des documents remis par Nissan aux autorités financières, et pour abus de confiance, M. Ghosn est désormais sous la menace d’une quatrième mise en examen.

Le parquet le soupçonne d’avoir transféré des fonds de Nissan, pour un total de 15 millions de dollars entre fin 2015 et mi-2018, à une société «de facto contrôlée par lui».

Sur cette somme, 5 millions ont été détournés, a précisé le bureau des procureurs dans un communiqué. «Le suspect a trahi sa fonction (de patron de Nissan) pour en tirer des bénéfices personnels», a-t-il souligné.

Selon une source proche du dossier, le procédé a débuté dès 2012, portant sur une somme totale de plus de 30 millions de dollars versée à un distributeur de véhicules Nissan à Oman, montants dont une partie lui serait revenue indirectement.

Il aurait notamment acheté un yacht et investi dans une société dirigée par son fils aux Etats-Unis.

Des flux financiers similaires ont été signalés la semaine dernière par Renault à la justice française, à l’issue d’une enquête interne du constructeur qui s’interroge aussi sur des dépenses opaques au sein de la filiale commune avec Nissan, RNBV, basée aux Pays-Bas.

Une enquête a déjà été ouverte sur le financement du mariage de Carlos Ghosn au château de Versailles en octobre 2016.

Au Japon, la date du procès n’a pas été fixée. Ses avocats ont déposé cette semaine une requête au tribunal pour que l’ex-patron soit jugé séparément de Nissan, qui, bien qu’étant aussi inculpé sur un des volets, «a pris depuis le début le parti des procureurs», selon Me Hironaka.

«Mon plus grand espoir aujourd’hui est de pouvoir bénéficier d’un procès équitable», a confié M. Ghosn.

Le dirigeant franco-libanais-brésilien espère être blanchi après avoir été dépouillé de la présidence des trois constructeurs qu’ils avaient unis et hissés au premier rang mondial.

Nissan, qui a encore une fois jeudi évoqué «des preuves substantielles d’un comportement ouvertement contraire à l’éthique», se prépare à tenir lundi une assemblée générale extraordinaire d’actionnaires. Le mandat d’administrateur de M. Ghosn devrait être révoqué, coupant tous ses liens avec l’entreprise qu’il a naguère sauvée de la faillite.

A lire aussi...