La BCE laissera ses taux directeurs au plus bas jusqu’à mi-2020

AWP

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L’échéance est repoussée de six mois par rapport à la dernière réunion d’avril. La croissance est revue en hausse pour 2019.

La Banque centrale européenne a repoussé jeudi à la mi-2020 l’heure de relever ses taux, maintenus depuis mars 2016 à leur plancher historique, tant les perspectives de croissance et d’inflation s’assombrissent.

Lors de sa réunion de politique monétaire délocalisée à Vilnius, en Lituanie, l’institution a maintenu ses taux d’intérêt à leur plancher historique, où ils devraient rester «au moins jusqu’à la fin du premier semestre 2020», soit une échéance différée de six mois par rapport à ses dernières annonces.

Jusqu’en mars, la BCE promettait un statu quo monétaire «jusqu’à l’été 2019» au moins, avant d’évoquer «la fin 2019» lors de ses deux dernières réunions, alors que les marchés tablaient d’ores et déjà sur une première hausse de taux mi-2020, voire en 2021.

Dans sa traditionnelle conférence de presse de 12H30 GMT, le président de l’institut Mario Draghi devrait souligner que les risques pour la croissance ont augmenté, au vu des tensions commerciales entre les Etats-Unis et leurs principaux partenaires - Chine, Union européenne et désormais Mexique.

D’autres inquiétudes concernent l’Italie, prête à un nouveau bras de fer avec Bruxelles sur l’étendue de ses déficits publics, et la Grèce, où des élections anticipées se tiendront en juillet dans un climat tendu.

Et la perspective au Royaume-Uni d’un Premier ministre eurosceptique succédant à Theresa May renforce la crainte d’un Brexit sans accord, synonyme de pagaille économique et juridique.

Prêts généreux

L’inflation dans la zone euro a elle fortement reculé en mai, à 1,2% contre 1,7% en avril, sur fond de baisse sensible des prix du pétrole sur un mois.

Et à 0,8% hors prix volatils de l’énergie, l’inflation «sous-jacente» s’éloigne fortement de l’objectif de l’institution monétaire, pour qui une inflation légèrement sous les 2% «à moyen terme» est censée favoriser l’investissement et l’emploi.

Surtout, les attentes de hausse des prix «à cinq ans», baromètre surveillé de près à Francfort, sont retombées à près de 1,3%, au plus bas depuis que Mario Draghi a pris ses fonctions fin 2011.

«Le risque de désancrage des perspectives d’inflation a augmenté», s’inquiète Eric Dor, Directeur des études économiques à l’IESEG School of Management de Lille.

«Des mesures monétaires audacieuses» paraissent donc «nécessaires», estime Erik Nielsen, chef économiste chez UniCredit. Mais l’équation devient complexe tant la BCE a puisé dans son arsenal depuis 2014, abaissant le coût du crédit tout en rachetant massivement de la dette privée et publique.

Dans l’immédiat, l’institution a détaillé les conditions financières de sa prochaine salve de prêts géants aux banques, baptisés «TLTRO», après deux premiers programmes en 2014 et 2016 destinés à soutenir l’économie, à des conditions jugées généreuses par les observateurs.

Nouveaux rachats de dette?

Lancés en sept vagues entre septembre prochain et mars 2021, avec chaque fois une échéance de deux ans, ils seront accordés à des taux variant de -0,30% à +0,10%, selon la quantité de crédits redistribués par chaque banque dans l’économie.

L’institution devrait en revanche repousser la perspective d’un système de paliers pour amoindrir l’impact du taux négatif sur les liquidités des banques, tant que la distribution de crédit continue à croître à bon rythme en zone euro.

Les milieux financiers attendront aussi de M. Draghi «de nouveaux indices sur la manière dont +tous les instruments de la BCE+ pourraient être mis en oeuvre, si nécessaire», selon Frederik Ducrozet, stratégiste chez Pictet Wealth Management.

En théorie, elle pourrait encore abaisser ses taux, tant que leur niveau n’est pas jugé contre-productif pour l’économie. Ou bien relancer ses achats nets de dette avec au besoin des règles assouplies, ceux opérés entre 2015 et 2018 pour environ 2.600 milliards d’euros ayant asséché en partie le marché.

Pour se décider, l’institution disposera jeudi de nouvelles projections d’inflation et de croissance qui devraient rester prudentes, à l’instar de celles publiées mardi par la Banque mondiale. D’autant que le nouveau chef économiste depuis juin, l’Irlandais Philipp Lane, a la réputation d’être favorable à un soutien appuyé à l’économie.

La BCE relève ses prévisions d’inflation et de croissance pour 2019
La Banque centrale européenne a légèrement relevé jeudi ses prévisions d’inflation et de croissance en zone euro pour cette année mais les a abaissées pour l’an prochain, soulignant les risques croissants liés aux tensions protectionnistes.
L’institut de Francfort attend désormais 1,2% de croissance et 1,3% d’inflation en 2019, contre respectivement 1,1% et 1,2% lors de ses prévisions de mars. Mais elle voit la croissance accélérer plus modestement que prévu en 2020, à 1,4% contre 1,6% auparavant, tandis que l’inflation devrait s’établir à 1,4% au lieu de 1,5%.
Pour 2021, la prévision de taux d’inflation est restée inchangée à 1,6% tandis que la prévision de croissance a été légèrement abaissée à 1,4%, contre 1,5% en mars.
Le président de l’institution, Mario Draghi, admet ainsi implicitement que la BCE n’atteindra pas avant 2022 son objectif d’une hausse des prix légèrement inférieure à 2%, et n’a donc pas encore remporté son pari.
Face à la presse, M. Draghi a brossé un tableau fait de multiples «risques» pesant dans un avenir proche sur la conjoncture. Au premier plan, il cite «les menaces sur le commerce international qui se sont intensifiées au-delà de ce qui avait été envisagé en mars», une référence au durcissement du bras de fer commercial entre Pékin et Washington en lieu et place de l’accord espéré depuis des mois par les milieux économiques.
M. Draghi a également mentionné les risques liés aux négociations sur le Brexit, et «les incertitude sur les marchés émergents».
Mais la BCE souligne que «comme les données économiques ne sont pas mauvaises, il n’y a pas de révision à la baisse significative» de ses pronostics, selon son président.
Le conseil des gouverneurs de l’institution continue par conséquent à juger «faible» la probabilité d’une récession de l’ensemble de la zone euro, a ajouté M. Draghi.

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