L’UE fait barrage à la tentative de May de renégocier le Brexit

AWP

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Pour Jean-Claude Juncker, le vote britannique sur le «backstop» «a accru le risque d’un retrait désordonné» du Royaume-Uni de l’Union européenne.

L’Union européenne a adressé un refus clair et ferme aux velléités de rouvrir les négociations sur l’accord du Brexit de la Première ministre britannique Theresa May, et s’est alarmée des risques d’un «retrait désordonné» à deux mois de l’échéance.

La même tournure de phrase maintes fois répétées par les dirigeants de l’UE depuis le mois de novembre. «L’accord de retrait reste le meilleur et le seul accord possible (...) L’accord de retrait ne sera pas renégocié», a déclaré mercredi après-midi le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker devant le Parlement de l’Union réuni en session plénière à Bruxelles.

«L’accord de retrait n’est pas ouvert à la renégociation. Hier nous avons compris ce que le Royaume-Uni ne veut pas. Mais nous ne savons toujours pas ce qu’il veut», a twitté à l’unisson mercredi soir, le président du Conseil européen Donald Tusk, dans un message à Theresa May.

Mardi soir, la Première ministre a reçu un nouveau mandat de son parlement, après le vote d’un amendement déposé par le conservateur Graham Brady demandant à trouver des «arrangements alternatifs» aux dispositions relatives au «backstop» (filet de sécurité), dispositif controversé qui vise à éviter le rétablissement d’une frontière physique entre la province britannique d’Irlande du Nord et la République d’Irlande.

Mais pour M. Juncker, ce vote «a accru le risque d’un retrait désordonné» du Royaume-Uni de l’Union européenne, et n’a pas apporté plus de clarté.

M. Juncker a assuré qu’il restait «en contact proche» avec Mme May. «J’écouterai ses idées, mais je serai aussi extrêmement clair sur la position de l’UE», a-t-il promis aux eurodéputés.

A ses côtés, le négociateur en chef des 27 Michel Barnier s’est lancé dans une défense musclée de la solution du «backstop», qui ne doit s’appliquer que si aucune autre solution n’est trouvée à la suite de négociations sur la future relation entre les deux parties.

«Ce n’est pas du dogmatisme, c’est une solution réaliste», a-t-il plaidé. «Aujourd’hui, franchement, personne -- ni d’un côté, ni de l’autre -- ne serait en mesure de dire quels seraient ces arrangements alternatifs» pour qu’ils soient opérationnels, a déploré M. Barnier.

Les responsables britanniques s’étaient préparés à une telle réaction. Mme May elle-même avait anticipé la réticence de l’UE.

«Les faits sont clairs: l’UE dit qu’elle veut que le Royaume-Uni parte avec un accord, nous voulons partir avec un accord. L’accord que nous avons trouvé avec l’UE a été rejeté par 230 votes. Si nous voulons parvenir à ce qui est dans le meilleur intérêt du Royaume-Uni et de l’UE, nous allons devoir faire des changements à cet accord pour gagner le soutien du parlement», a expliqué un porte-parole de Downing Street.

Incertitude et instabilité

Le gouvernement avait décidé, peu avant le vote, de soutenir cet amendement. Un revirement de taille pour Theresa May, qui a donné son feu vert à l’UE et proclamait que son «traité de retrait», âprement négocié pendant 17 mois mais rejeté il y a deux semaines par l’écrasante majorité des députés britanniques, était «le seul possible».

La nouvelle position des Britanniques a suscité des remarques cinglantes au niveau européen.

«C’est comme dire au cours d’une négociation : +Eh bien soit vous me donnez ce que je veux, soit je saute par la fenêtre+», a réagi le ministre irlandais des Affaires étrangères Simon Coveney au micro de la radio RTE.

«C’est une situation extraordinaire, quand un Premier ministre et un gouvernement négocient un accord et ensuite retournent chez eux et pendant la procédure de ratification votent contre leur propre accord», a-t-il regretté.

Et le Parlement européen, qui a déjà clairement fait savoir qu’il ne ratifierait pas un accord de retrait sans filet de sécurité irlandais, a fait part de son agacement.

Depuis l’hémicycle européen, le libéral Guy Verhofstadt, qui préside le groupe du Parlement sur le Brexit, a harangué les députés britanniques: «Tous les jours vous changez d’opinion, et créez de l’incertitude et de l’instabilité au lieu de créer une nouvelle relation», a lancé l’eurodéputé belge.

Spectre d’un Brexit sans accord

«Dire qu’on est contre le 'backstop', c’est comme dire qu’on est contre le mauvais temps. On peut dire qu’on est contre mais on ne peut pas l’empêcher», a fustigé de son côté Philippe Lamberts, eurodéputé des Verts et membre du groupe sur le Brexit.

Dans ce contexte, la possibilité d’un Brexit sans accord continuait de hanter les esprits.

C’est à ce scénario que se préparait mercredi le patronat britannique.

«Je ne pense pas qu’il y aura une seule entreprise ce matin qui arrêtera ses préparatifs en vue d’un +no deal+ après ce qui s’est passé hier», a déclaré Carolyn Fairbairn, la directrice de la CBI, la principale organisation patronale britannique. «Je crains même que cela ne les accélère».

Mme May s’est engagée à faire voter un accord remanié «dès que possible». Dans le cas où elle n’obtiendrait pas cet accord d’ici au 13 février, elle a annoncé son intention d’organiser un vote le 14 février pour laisser les députés s’exprimer sur ce qu’ils veulent.

A l’issue d’une rencontre avec Jeremy Corbyn mercredi, elle a dit dans un tweet lui avoir signifié «l’importance» pour le Royaume-Uni «d’être capable de conclure» ses «propres accords commerciaux» et que «le meilleur moyen d’aviter un ‘no deal’ était de voter pour un deal».

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