Fiat Chrysler veut fusionner avec Renault 

AWP

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Le groupe italo-américain souhaite former le nouveau n°3 mondial de l’automobile. Un intention dictée par la révolution électrique.

Fiat Chrysler (FCA) envisage de fusionner avec Renault pour donner naissance à un mastodonte pesant plus de 30 milliards d’euros en Bourse. Présentée lundi, l’offre du constructeur italo-américain, saluée par les marchés et l’Etat français, pourrait chambouler l’industrie automobile mondiale et le rapport de forces entre le français et son allié japonais Nissan.

Le rapprochement FCA-Renault donnerait naissance au troisième «fabricant d’équipement d’origine» (FEO) mondial, avec des ventes annuelles de 8,7 millions de véhicules. Le groupe fusionné disposerait d’une «forte présence dans des régions et segments clés», a estimé Fiat Chrysler dans un communiqué.

«Complémentaire»

Le portefeuille des deux groupes est «large et complémentaire, et fournirait une couverture complète du marché, du luxe au segment grand public», a-t-il ajouté. C’est d’un mariage dit «entre égaux» qu’il est question: la nouvelle entité serait détenue à 50% par les actionnaires du constructeur italo-américain et à 50% par ceux de Renault et serait cotée à Paris, New York et Milan.

Selon une source proche du dossier, John Elkann, petit-fils de Gianni Agnelli, l’emblématique président de Fiat, et actuel président de FCA, pourrait devenir président de la nouvelle entité. Jean-Dominique Senard, actuel président de Renault, serait lui président exécutif. Mais les discussions sont encore en cours.

FCA et Renault, qui fabriquent tous deux des voitures populaires, auraient la possibilité de partager de nombreux éléments techniques. Renault apporterait son savoir-faire dans l’électrique, et Fiat Chrysler aurait pour dot une part de marché importante en Amérique du Nord, avec ses gros SUV et pick-up particulièrement rentables.

FCA a assuré que la fusion ne se traduirait par aucune fermeture de sites de production, tout en évoquant des synergies annuelles supérieures à 5 milliards d’euros. Le deuxième syndicat de Renault, la CGT, a exigé lundi que l’Etat français, grand actionnaire de Renault, conserve «une minorité de blocage» en cas de fusion, en redoutant «de nouvelles suppressions d’emplois».

«Opération brillante», selon Matteo Salvini

La porte-parole du gouvernement français Sibeth Ndiaye a déclaré que Paris était «favorable» à celle alliance, tandis que le vice-Premier ministre italien Matteo Salvini, patron de la Ligue (extrême droite), a jugé l’opération «brillante». «Si Fiat croît, c’est une bonne nouvelle».

Réuni lundi à Boulogne Billancourt, près de Paris, le conseil d’administration de Renault a expliqué qu’il allait «d’étudier avec intérêt l’opportunité d’un tel rapprochement» «générateur de valeur additionnelle pour l’Alliance» avec Nissan et Mitsubishi. Une source proche du dossier a précisé qu’aucune décision n’était attendue aujourd’hui sur la fusion elle-même: «cela va prendre des jours, voire des semaines».

«Si cette fusion se concrétise (...) cela pourrait requérir plus d’un an», a en outre estimé le patron de FCA Mike Manley dans une lettre aux employés de son groupe. En attendant, les titres des deux groupes étaient galvanisés: vers midi FCA gagnait 10,79% à 12,69 euros à la Bourse de Milan, après avoir bondi de plus de 18% dans les premiers échanges, et Renault 15,11% à 57,54 euros à la Bourse de Paris.

Selon une source proche du dossier, cette annonce est l’aboutissement de «discussions qui avaient commencé sous Carlos Ghosn», l’ancien patron emblématique du constructeur français, mis en examen au Japon pour des malversations financières. Son arrestation fin novembre a déclenché une crise entre Renault et son allié japonais Nissan (qui contrôle Mitsubishi Motors), à l’origine des révélations qui ont déclenché l’enquête.

Quid de Nissan?

Une source proche du dossier estime que «ce projet laisse la porte ouverte à Nissan» pour faire partie de ce rapprochement. «Nous pensons que les bénéfices (...) s’étendront aussi aux partenaires de l’Alliance, Mitsubishi et Nissan», a aussi estimé Mike Manley. En comptant Nissan et Mitsubishi, la fusion créerait un ensemble de près de 16 millions de véhicules, devançant le mastodonte allemand Volkswagen (10,6 millions) et Toyota (10,59 millions).

Une alliance franco-italo-américaine changerait aussi le rapport de forces au sein de l’attelage Renault-Nissan-Mitsubishi, en renforçant la partie française. Laquelle vient justement d’être sèchement éconduite par Nissan, à qui Renault proposait une union plus étroite.

Quant à FCA, en grande difficulté en Europe, il est depuis plusieurs semaines au centre de rumeurs de rapprochements. Début mars, le français PSA (Peugeot, Citroën, DS, Opel, Vauxhall) avait également manifesté son intérêt pour le groupe italo-américain.

Les constructeurs cherchent à joindre leurs forces pour réaliser les investissements colossaux rendus nécessaires par les évolutions technologiques: électrification, conduite autonome, véhicules connectés... Ils affrontent par ailleurs une conjoncture mondiale difficile avec notamment un retournement du marché chinois.

La révolution électrique pousse aux rapprochements
Le projet de mariage entre Renault et Fiat Chrysler s’inscrit dans une course à la taille dictée par la révolution électrique. Un changement de paradigme pour l’industrie automobile qui impose aux constructeurs des investissements colossaux.
«Ce qui change fondamentalement la donne aujourd’hui, c’est l’évolution de la réglementation, notamment en Europe, avec la quasi-obligation de faire beaucoup de voitures électriques», a expliqué à l’AFP Flavien Neuvy, directeur de l’Observatoire Cetelem de l’automobile. Dès l’an prochain, les constructeurs devront afficher sur leur flotte de voitures neuves vendues en Europe des émissions moyennes de CO2 inférieures à 95 grammes par kilomètre.
«C’est un défi énorme», car cela va les contraindre à «réduire les émissions de CO2 de 20% entre 2019 et 2020, alors qu’il ont mis 10 ans pour les réduire de 25%», souligne Euler Hermes dans une récente étude. La pression ne se relâchera pas les années suivantes, puisqu’une réduction supplémentaire de 37,5% des émissions de CO2 s’appliquera à l’horizon 2030.
Pour pouvoir continuer de vendre des voitures, les constructeurs vont devoir lancer une multitude de nouveaux modèles hybrides (essence-électrique) et surtout 100% électriques. «Les constructeurs avaient investi 25 milliards d’euros dans l’électrification sur ces huit dernières années, ça va être dix fois plus, 250 milliards, dans les huit prochaines», estime Laurent Petizon, expert automobile pour Alix Partners.

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