Le portefeuille de Warren Buffett est-il responsable?

Jocelyn Jovène, Morningstar

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Après l’incendie Lubrizol en France, nous refaisons le point sur la prise en compte des contraintes ESG par le holding de Warren Buffett. En résumé: peut mieux faire.

Warren Buffett est-il un investisseur responsable? Vis-à-vis de ses actionnaires, cela semble difficilement contestable (au sens propre), à voir la manière dont il a déployé le capital de Berkshire Hathaway, société qu’il co-dirige avec Charlie Munger, depuis 55 ans. Mais qu’en est-il des entreprises qu’il contrôle et des sociétés dans lesquelles il détient des participations parfois significatives?

Pour le premier sous-ensemble, il est difficile de se faire une opinion. L’information est assez difficile et fastidieuse à obtenir et vérifier.

L’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen, en septembre 2019, montre toutefois que ni le groupe chimique, ni son propriétaire n’ont fait preuve d’exemplarité. L’assureur du site, FM Global, aurait de manière répété demandé à Lubrizol de prendre des mesures de protection qui n’ont visiblement pas été prises, et qui auraient sans doute pu éviter que l’incendie ne se transforme en catastrophe (lire cet article du Monde daté du 7 février 2020).
Dans sa lettre aux actionnaires, Warren Buffett fait une très brève mention sur le sujet et ne semble pas avoir pris conscience des dommages provoqués tant pour le groupe que pour la communauté rouennaise.

Aux Etats-Unis, Berkshire Hathaway contrôle un groupe de transport ferroviaire (BNSF, qui transporte notamment des matières premières comme le pétrole ou le charbon à travers le pays), plusieurs sociétés de fourniture d’énergie (qui ont fortement investi dans les énergies renouvelables), ains que des activités industrielles.

Encore une fois, en dehors d’incidents particuliers qui peuvent être véhiculés par la presse, en matière d’environnement, de relations sociales ou de gouvernance, il est difficile d’avoir une vue très claire des risques ESG portés par les différentes filiales non cotées de Berkshire Hathaway.

Concernant les sociétés cotées, la situation est un peu plus transparente. A partir de nos bases de données, nous disposons de plus d’informations sur les participations dans des sociétés cotées.

Nous avons ainsi croisé le dernier reporting de Berkshire Hathaway auprès de la SEC, le gendarme boursier américain, avec notre base de données. Ceci donne le tableau suivant.


Source: SEC, Morningstar Direct, données au 21 février 2020.

Plusieurs sociétés affichent un risque ESG élevé, selon les données Sustainalytics. C’est le cas d’Amazon (distribution), d’American Airlines (transport aérien), de General Motors (automobile), Goldman Sachs (finance), Johnson & Johnson (santé), Kraft Heinz (alimentation), Occidental Petroleum, Phillips66 (hydrocarbures), Teva Pharmaceuticals (santé) ou Wells Fargo (finance).
D’autres participations sont de bien meilleurs élèves d’un point de vue ESG. On y trouve Charter Communications (média), Kroger (distribution), Liberty SiriusXM (media), Mastercard, Moody’s et Visa (finance), Store Capital (immobilier).

L’ensemble du portefeuille affiche un score moyen de 25,33, soit un niveau de risque ESG «moyen».

Au final, Buffett reste fidèle à sa philosophie d’investissement : acheter des actifs de qualité à un prix raisonnable. Sa préoccupation première est donc d’allouer au mieux le capital de ses actionnaires.

La prise en considération des critères ESG semble secondaire. Mais il faudra sans doute compter avec ses deux lieutenants, Todd Combs et Ted Weschler, qui pourraient faire montre d’une plus grande sensibilité sur ces sujets.

Compte tenu de l’attention portée à Berkshire Hathaway au moment de son assemblée générale, le groupe pourrait se saisir de l’opportunité pour le groupe de communiquer davantage sur ce sujet et comprendre que le monde change.

Avertissement: l’auteur de cet article détient des actions Berkshire Hathaway.

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