La chronique des marchés de Vontobel au 20 décembre

Jean Frédéric Nussbaumer, Vontobel

3 minutes de lecture

Nasdaq -2,17%, SPX -1,54%, Dow -1,49%, Russell -2,03%, SOX -4,2%, Eurostoxx +0,37%, SMI +0,14%.

 

La Fed a donc relevé hier son taux des «Feds Funds» de 0,25% à 2,25%-2,50%, ce qui était largement anticipé, et elle a revu en légère progression ses projections des taux  pour 2019, 2020 et 2021. Mais les marchés ont été déçus par le ton moins «dovish», moins «colombe» que prévu de la banque centrale américaine. Beaucoup espéraient d'elle un signal clair de pause en 2019, mais la Fed a fait savoir qu'elle prévoyait toujours de poursuivre des «hausses de taux graduelles» au vu de l'expansion continue de l'activité économique, de la vigueur du marché de l'emploi, et d'une inflation proche de son objectif de 2% à moyen terme. Les nouvelles projections de la Fed montrent ainsi qu'elle prévoit encore deux hausses de taux en 2019 (contre 3 prévues en septembre dernier, puis encore une hausse en 2020. Défiant Donald Trump, qui ne cesse de réclamer une pause à la Fed, son président Jerome Powell a estimé que «la politique monétaire n'a pas besoin à ce stade d'être accommodante. Elle peut s'orienter vers la neutralité». Jerome Powell a néanmoins estimé que les taux avaient désormais atteint «la fourchette basse de la zone neutre», celle où ils ne représentent ni stimulant ni frein pour l'économie. Concernant les récentes turbulences sur les marchés financiers, Jerome Powell a indiqué que la Fed les surveillait, mais que sous l'angle des conditions financières générales, «une certaine volatilité ne laisse probablement pas de marque sur l'économie». Il n'a donc pas semblé s'affoler de la correction actuelle des indices boursiers, qui sont en voie de connaître en 2018 leur première baisse annuelle depuis 2008. Par ailleurs, le patron de la Fed a indiqué que l'institution poursuivrait la réduction de son bilan au rythme actuel. Depuis octobre 2017, la Fed retire environ 50 milliards de dollars par mois d'obligations d'Etat du marché, en les laissant arriver à échéance sans racheter un montant équivalent de titres. Cette réduction du bilan de la Fed a un effet restrictif sur le marché obligataire, agissant de la même façon qu'une hausse des taux. La Fed a déjà retiré du marché obligataire environ 365 milliards de dollars, ramenant son bilan à 4,140 milliards de dollars. Sur l’année les USA auront retiré du marché 10% de liquidité…..

Et paf Wall-Street! Le New York Stock Exchange, tel un enfant n’ayant pas reçu son cadeau de Noël, ou plutôt tel un «accro à la liquidité», se retourne complètement et termine nettement dans le rouge, dans des volumes d’échanges en hausse de 40% par rapport à la moyenne de ces 20 dernières séances. La courbe des taux US s’aplatit logiquement, l’écart (spread) entre le 2 et le 10 ans baissant à 9,5 points de base. Le 10 ans traite à 2,76% ce matin. Le dollar n’en demandait pas tant, lui qui semblait au bord du précipice, le Dollar Index repassant au-dessus de 97. Notons que ce matin le billet vert repart à la baisse et traite à 96,70, la paire euro/dollar revenant à 1,1421, intéressant et à suivre. Le pétrole reste faible, le WTI Light Crude à 47,15 dollars le baril alors que personne ne se rue dans le métal jaune, l’or à 1243 dollars l’once.

Au chapitre des secteurs, citons les banques, qui abandonnent 2% et ont désormais perdu 28% depuis leur top de janvier…les semi-conducteurs souffrent de la faiblesse de Micron (MU -7,9%) alors que les transports (TRAN) chutent de plus de 3%, merci FedEx (FDX -12,1%). Les FAANGs pâtissent de la chute de Facebook (FB -7,3%) qui est attaquée en justice par le district de Columbia pour avoir apparemment partagé plus de données d’utilisateurs que prévu. Et dans ce marasme boursier, le paria de la cote US, GE, bondit de 5,3% après avoir transmis à la SEC, le gendarme de Wall Street, un projet de document en vue d'une introduction en bourse de sa division de santé.

On peut dire que la séance d’hier fut une sacrée séance. Le Dow Transportation Index entre en bear market (marché baissier, dès après avoir perdu 20% depuis son top). 60% des titres financiers à Wall-Street sont à un plus bas niveau depuis 52 semaines. L’indice S&P500 (SPX) a désormais perdu 15% depuis son top. Techniquement, sa principale zone de support se situe entre 2350 et 2400 points (moyenne mobile à 200 semaines et bas du canal haussier entamé en mars 2009). Cela correspond à environ 4 à 6% de baisse supplémentaire. Mais où est donc la peur? La volatilité ne monte pas, le VIX restant inchangé sur la journée. Pour les adeptes d’histoire, depuis 1932, il y a eu 32 sessions durant lesquelles le SPX a perdu plus de 1% sans que le VIX ne bouge. Dans 81%, le SPX était en hausse de 2,4% en moyenne le mois suivant. Notons le sentiment des investisseurs institutionnels, qui s’est nettement amélioré, alors que celui des particuliers (AAII: American Association of Individual Investors) se détériore fortement, un signal positif. Enfin notons que la prime de risque du SPX est de -4, on avait plus vu cela depuis 1972. La prime de risque est le retour sur investissement supplémentaire offert par une action par rapport à un investissement sans risque. Ce rendement supplémentaire rémunère l’investisseur pour sa plus grande prise de risque. L’histoire a montré que, lorsque les investisseurs ne veulent plus payer cette prime (le contexte actuel donc), le marché a rebondi à court et moyen terme. Lorsque cette prime a été de -3,5 ou plus, le SPX était en hausse de 25% en moyenne un an après (hormis en 1973 (choc pétrolier) et en 2008 (crise des subprimes).

Ce matin l’Europe ouvre dans le dur, le marché est à la vente. L’Eurostoxx traite en baisse d’environ 1,5%, les investisseurs vont faire ce qu’ils font toujours, vendre d’abord, réfléchir ensuite. Après tout, Jerome Powell nous a «décus en bien» au sujet de l’économie. Il reste droit dans ses bottes et a probablement raison. S’il avait été trop colombe, la réaction du marché aurait peut-être été positive à très court terme et, ensuite, tout un chacun se serait mis à réellement craindre l’arrivée d’une récession. La panique n’est pas de retour dans les marchés, personne ne se rue dans l’or, le dollar ou le franc suisse, il faut rester patient.

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