La chronique des marchés de Vontobel au 13 septembre

Jean Frédéric Nussbaumer, Vontobel

3 minutes de lecture

Nasdaq +0,30%, SPX +0,29%, Dow +0,17%, Russell -0,04%, SOX +0,29%, Eurostoxx +0,63%, SMI -0,04%.

Wall Street frôle ses records historiques de juillet dernier, dans de bons volumes d’échanges. Force est d’avouer que ce marché est fort, le Dow Jones clôture en hausse pour la septième séance d’affilée, on n’avait plus vu cela depuis mai 2018. L’indice S&P500 (SPX) teste les 3020 points en séance pour clôturer nettement au-dessus des 3000. On assiste à une certaine inversion de la rotation de secteurs, les titres de valeurs étant délaissés au profit des actions de croissance. La volatilité recule encore, l’indice VIX en baisse de 2,67% à 14,22, c’est vraiment bas. L’or se pose pile sur les 1500 dollars par once après être passé par tous les états suite aux annonces de la Banque Centrale Européenne (BCE). Même phénomène du côté des monnaies, l’euro se transformant en grand huit le temps de digérer les propos de Mario Draghi, pour finalement se diriger vers le nord, la paire euro/dollar à 1,1080 ce matin. La paire traite brièvement à 1,0927 hier…Sur la partie des taux, c’est également la pagaille, ces derniers se prenant dans un premier temps pour Jacques Mayol pour finalement décider que Neil Armstrong c’est plus glamour. Prenons le rendement de l’emprunt allemand Bund à 10 ans. Juste après les annonces, il chute à -0,65% pour se situer à -0,50% ce matin. Son alter ego américain participe également à la «fête» en passant de 1,66% juste après les annonces à 1,78% ce matin. Le pétrole se stabilise à 55 dollars le baril de WTI Light Crude.

Mais que s’est-il donc passé hier?

Depuis Francfort, la BCE annonce une série de mesures fortes, à commencer par la baisse du taux de dépôt de -0,4% à -0,5%, accompagné d'un système de modulation pour épargner les banques distribuant le plus de crédit. La BCE va en outre reprendre ses rachats d'actifs («QE») au rythme de 20 milliards d’euros par mois, à compter du 1er novembre et sans limite de date. Enfin, les prêts ciblés de la BCE aux banques («TLTRO») verront leurs conditions d'attribution évoluer. Ces annonces sont clairement un facteur de soutien au marché des actions. Qui sur terre imaginait il y a encore quelques mois que les principales banques centrales du monde allaient se remettre à inonder la planète de liquidités dans ces proportions? Hormis Donald Trump je ne vois pas.

Ce même Donald Trump qui réagit vivement aux annonces de la BCE en estimant qu'elle «essaie et est en train de réussir, à déprécier l'euro face à un dollar TRES fort, pénalisant les exportations américaines...» Le président américain s'en prend une énième fois à la Réserve fédérale américaine, qui se réunira les 17 et 18 septembre, en persiflant: «Et la Fed reste assise, assise... Ils (la BCE) se font payer pour emprunter de l'argent, tandis que nous payons des intérêts». Mercredi, Donald Trump avait traité les banquiers centraux américains de «crétins» (Boneheads) et leur avait réclamé de ramener les taux à zéro, voire en terrain négatif pour soutenir la croissance aux Etats-Unis.

Lors de sa conférence presse Mario Draghi répond sèchement à Donald Trump que la BCE a «un mandat. Nous recherchons la stabilité des prix et nous ne visons pas de taux de change. Point final».

Des informations de presse font état hier d'un projet d'accord intermédiaire entre les Etats-Unis et la Chine, qui porterait sur un nombre limité de sujets, en attendant un accord plus global trop complexe à atteindre actuellement. Cette information a cependant été démentie par la Maison Blanche en cours de séance. Les marchés apprécient néanmoins l'annonce par Donald Trump d'une petite concession à la Chine, sous la forme d'un report de deux semaines des surtaxes douanières sur 250 milliards de dollars de produits chinois importés aux Etats-Unis. Ces surtaxes entreront en vigueur le 15 octobre au lieu du 1er octobre, ce qui offre une nouvelle marge de manoeuvre aux négociateurs. Cette promesse intervient au lendemain d'un geste de conciliation de Pékin, qui a accepté de retirer certains produits américains de la liste des produits surtaxés par la Chine.

Sur le plan macro-économique aux Etats-Unis, on apprend hier que l'inflation sous-jacente s'est accélérée en août pour atteindre son plus haut niveau en rythme annuel depuis juillet 2018 à 2,4%, ce qui pourrait inciter la Fed à ne pas abaisser trop vite ses taux directeurs. Le déficit budgétaire des Etats-Unis s'est un peu réduit en août à 200 milliards de dollars (-6% sur un an), grâce à l'activité économique relativement solide qui a permis une hausse des recettes, notamment issues des tarifs douaniers. Cependant, le déficit cumulé sur 11 mois dépasse désormais les 1000 milliards de dollars pour la première fois depuis 7 ans, à un mois de la clôture de l'exercice fiscal. Les inscriptions hebdomadaires au chômage ont par ailleurs diminué la semaine dernière, à 204.000, leur plus bas niveau depuis avril.

Aujourd’hui la dernière série d'indicateurs macro-économiques importants de la semaine est attendue aux États-Unis, avec à 14h30 les ventes de détail et les prix à l'importation, puis à 16h00 l'indice de confiance des consommateurs de l'Université du Michigan et les stocks des entreprises.

Le patron de General Electric estime que les cessions d'actifs engagés par le conglomérat devraient lui permettre de récolter 38 milliards de dollars pour se désendetter. Le conseil d'administration du London Stock Exchange se réunira dans les prochains jours pour se prononcer sur l'offre non-sollicitée de l'opérateur de la Bourse de Hong Kong. La démission du PDG de Nissan, Hiroto Saikawa, a été précipité par deux administratrices indépendantes qui ont voulu épargner au constructeur une nouvelle affaire à la Carlos Ghosn, selon les informations obtenues par Reuters. Le président de Telecom Italia, Fulvio Conti, s'est déclaré prêt à démissionner pour contribuer à une meilleure entente entre les actionnaires de l'opérateur en télécommunications. Visa boucle le rachat de Verifi. Spotify s'offre SoundBetter. SmileDirectClub chute de 27% au premier jour de son entrée en bourse à Wall Street, après avoir été introduit juste au-dessus de la fourchette de prix prévu. Pour Broadcom, son activité a touché un plancher mais n'a pas encore vraiment rebondi dans les semiconducteurs. Pemex va se refinancer en émettant 7,5 milliards de dollars d'obligations.

Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent tous dans le vert, Tokyo progressant de 1,05% à la cloche. Hong-Kong avance de 0,52% alors que Shanghai s’adjuge 0,75%. Le future européen indique une ouverture autour de l’équilibre, son alter ego du SPX progresse de 5 points. La semaine fut belle en termes de performances et d’annonces, les banques centrales semblent plus que jamais aux manettes et la semaine prochaine verra la Fed et la BNS annoncer leurs décisions respectives quant aux taux d’intérêts. La Fed semble «condamnée» à devoir baisser les siens de 25 points de base. Quid de la BNS? dilemme cornélien pour Thomas Jordan et ses pairs, les taux sont déjà si négatifs. La réaction hier de la Banque Centrale Danoise, qui a réduit son taux juste après la BCE, montrera-t-elle l’exemple?

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