Gonet: l'actualité des marchés au 16 mars

Jean Frédéric Nussbaumer, Gonet & Cie

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Nasdaq +9,35%, SPX +9,3%, Dow +9,4%, Russell +7,8% and SOX +10,9%, Eurostoxx +1,60%, SMI +1,17%.

Wall Street se met en orbite vendredi et réalise sa plus belle hausse journalière depuis octobre 2008. L’indice S&P500 (SPX) repasse au-dessus de sa moyenne mobile à 200 semaines en clôture, niveau important, mais pourrait bien revenir en-dessous aujourd’hui déjà. Très belle clôture vendredi donc, mais le SPX abandonne tout de même 8.79% sur la semaine. Les volumes d’échanges restent stratosphériques sur le NYSE (New York Stock Exchange) avec 17,2 milliards de titres traités. Au chapitre des secteurs, les financières sortent du lot avec les brokers en hausse de 18,2% et les bancaires de 14,8%. Le rendement de l’emprunt US à 10 ans, qui traite à 0,77% ce matin, n’y est pas étranger, une note positive de Goldman Sachs sur le secteur non plus. Les TMT (Telecom, Media, Tech) ne boudent pas la fête du jour avec les logiciels en progression de 14,3%. Notons Oracle et Adobe, qui décollent de 20,4% respectivement 17,7% après la publication de leurs résultats trimestriels. Chez les semi-conducteurs, Apple et AMD (Advanced Micro Devices) sont recherchées après la publication de notes positives d’analystes.

Mais pourquoi donc une telle hausse? Une addition de décisions et annonces sont à mentionner mais commençons par l’état dans lequel ce marché se trouvait vendredi matin. Le sentiment général de peur, illustré par l’indice VIX (volatilité du SPX), était monté à des niveaux observés uniquement trois fois dans l’histoire, en 1929, en 1987 et en 2008. Vendredi matin, le SPX était plus «survendu» que lors du crash de 2008. 73% de ses composants étaient dans ce cas alors que du côté de l’Eurostoxx 50, c’était 100%! du jamais vu. Enfin, les petits porteurs US, représentés par l’AAII (American Association of Individual Investors) étaient devenus extrêmement «bearish» (baissiers). Cette catégorie d’investisseurs est cyniquement surnommée «the wrong way crowd» par les investisseurs institutionnels car elle fait bien souvent les choses parfaitement à l’envers. Si l’on considère l’histoire, la configuration du SPX de vendredi matin exigeait un rebond, tout en ne supprimant pas le niveau actuel de volatilité, qui présage de mouvements erratiques et violents à court terme.

On assiste à un ballet d’annonces vendredi à commencer par Donald Trump, qui décrète l’état d’urgence national et débloque un fonds de 50 milliards de dollars pour lutter contre la pandémie de Coronavirus. En parallèle, son ennemie jurée, la cheffe de file des Démocrates Nancy Pelosi fait montre de solidarité avec le président, ce qui plait au marché. La banque centrale du Canada baisse son taux de 50 points de base à 0,75%, la Suisse annonce la fermeture de ses écoles et débloque 10 milliards de francs pour lutter contre le virus, la banque centrale de Norvège coupe son taux directeur de 50 points de base à 1%, la présidente de la Commission Européenne Ursula Von der Leyen annonce le déblocage d’un fonds de 37 milliards d’euros, le  ministre allemand des finances Scholz indique que le gouvernement ne fixe aucune limite aux crédits aux entreprises et l’Indonésie annonce un nouveau plan de stimulation fiscale.

Ces dernières 24 heures la Banque du Japon (BoJ) et la Réserve Fédérale des Etats-Unis (FED) annoncent des mesures exceptionnelles sans attendre la date de leurs prochaines réunions. La FED notamment, qui coupe son taux directeur de 100 points de base à quasiment zéro et lance un nouveau programme d’injection de liquidités (QE) de 700 milliards de dollars (rachats d’obligations du trésor et de titres adossés à des créances hypothécaires). C’est sans précédent, au plus fort de la crise financière de 2008, le bilan de la FED avait gonflé à 4,5 trillions de dollars, on est désormais à 5 trillions.

Pour en revenir au marché, notons au passage que les indices européens ont passé une semaine bien pire que leurs alter ego US, l’Eurostoxx 50 abandonnant 20% sur 5 séances. Le SMI limite la casse, si l’on peut dire, avec une baisse de «seulement» 14,06%.

On sait que le Coronavirus fait et fera mal à l’économie mondiale. La bonne nouvelle, c’est que l’on assiste enfin à une convergence de vues des institutions mondiales dans la lutte contre ce fléau, l’Angleterre mise à part peut-être. Les dirigeants du G7 vont discuter aujourd'hui même de coopération poussée en visioconférence.

Cette semaine la vie continue et les marchés vont suivre de très près l’évolution de la pandémie, l’attitude des banques centrales avec notamment les réunions de la Fed et de la Banque Nationale Suisse (BNS). Les statistiques économiques seront également décortiquées, tout un chacun tentant d’évaluer l’impact du virus. Et les résultats de sociétés continueront de tomber avec notamment Tencent, Accenture, Prada, Old Mutual, FedEx, Saudi Aramco, Enel, Volkwagen, BMW, General Mills, Trip.com, Lennar, CrowdStrike, Next et Lufthansa.

Un seul indicateur majeur aujourd'hui, l'indice manufacturier Empire State aux États-Unis à 13h30. Les statistiques chinoises parues ce matin sont très mauvaises, avec une chute de 13,5% de la production industrielle est de 20,5% des ventes de détail en février. Au Japon, les commandes de machines ont progressé de 2,9%.

TUI AG va faire appel à la garantie de l'Etat allemand pour franchir le défi du coronavirus. Bill Gates va quitter le conseil d'administration de Microsoft pour consacrer plus de temps à des activités philanthropiques, mais restera conseiller technique de l'entreprise qu'il a créée. Lufthansa ne versera pas de dividende 2019 à cause du coronavirus. Roche place ses salariés non indispensables sur ses sites en télétravail, mais laisse ses installations ouvertes et maintient la production et l'exploitation. La compagnie scandinave SAS AB va mettre en chômage technique environ 10'000 salariés, soit 90% de son effectif total, après avoir cessé la plupart de ses vols. Nike ferme temporairement de nombreux magasins dans le monde, y compris aux États-Unis tandis qu'Apple ferme tous ses magasins hors de Chine jusqu'au 27 mars, . American Airlines réduit de 75% ses liaisons internationales. Ferrari suspend pour deux semaines la production de ses usines de Maranello et de Modène à cause de difficultés d'approvisionnement. Les trains de la Jungfraubahn à l'arrêt, du chômage partiel en vue.

Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent tous nettement dans le rouge, le future SPX abandonne 4,8% et son compère de l’Eurostoxx recule de 5,5%. La baisse de taux surprise annoncée par la Fed a pour effet d’inquiéter le plus grand nombre, qui se dit que la principale banque centrale au monde est désormais quasiment à court de munitions. Il faut aussi tenir compte de la très forte hausse de vendredi, couplée à la volatilité actuelle, qui traite à des niveaux stratosphériques. L’Europe ralentit son rythme et se met au diapason de l’Asie pour contrer la propagation du virus, le vieux continent a environ cinq semaines de décalage avec l’Asie. Le pétrole traite à 30,33 dollars le baril de WTI Light Crude, en baisse de 4,3%, l’or reprend quelques couleurs et récupère 1,2% à 1535 dollars par once, les monnaies ne fluctuent pas tant que ça avec l’euro/dollar à 1.1165 et l’euro/suisse à 1,0555.