Le marché de la dette en zone euro a été fortement plébiscité jeudi, les investisseurs privilégiant ces actifs refuge dans un contexte de forte aversion au risque accentué par des indicateurs décevants, au moment où démarrent les élections européennes.

«Le taux d’emprunt à dix ans allemand a signé un nouveau plus bas annuel», a relevé auprès de l’AFP Guillaume Truttmann, gérant crédit chez Meeschaert Asset Management.

Plusieurs éléments expliquent, selon lui, que les investisseurs se soient tournés vers les obligations d’Etat, au premier rang desquelles celles de l’Allemagne, qui font référence, au détriment des marchés actions, notamment la publication de mauvais indicateurs macroéconomiques en zone euro.

«Les PMI allemands ont été décevants, tant sur l’activité manufacturière que sur les services et n’ont pas montré d’amélioration par rapport à la dernière publication», a souligné M. Truttmann.

La croissance de l’activité privée dans la zone euro a légèrement progressé en mai, mais est restée «morose», selon la première estimation de l’indice PMI composite du cabinet Markit publiée jeudi.

Par ailleurs, le moral des entrepreneurs allemands a encore fléchi en mai, confirmant son recul de fond sur les huit derniers mois malgré une légère reprise en mars, selon le baromètre Ifo publié jeudi.

Cette baisse des rendements se fait aussi «dans le sillage de la baisse des taux américains mercredi après la publication des minutes de la Réserve fédérale américaine (Fed)», a observé M. Truttmann.

Les membres de la Banque centrale américaine ont estimé que de nombreuses incertitudes affectant les perspectives de l’économie américaine et mondiale avaient diminué tout en soulignant la persistance de certains risques, selon le compte-rendu de sa dernière réunion monétaire publié mercredi.

«Globalement, ces minutes de la Fed ont été lues comme plutôt accommodantes», ce qui a poussé les rendements américains à la baisse, le taux à dix ans ayant même atteint un nouveau plus bas depuis décembre 2017, a-t-il ajouté.

C’est en outre «le début des élections européennes au Royaume-Uni et aux Pays-Bas dans un climat politique tendu dans plusieurs pays», a poursuivi M. Truttmann.

«Des commentaires de Jeremy Corbyn (le chef des travaillistes, NDLR) ont donné le sentiment que la probabilité d’un vote positif sur un accord de sortie pour le Brexit» se réduisait encore un peu plus, a estimé le spécialiste.

Le taux d’emprunt à dix ans du Royaume-Uni a lui aussi atteint un point bas annuel ce jeudi.

La Première ministre britannique Theresa May a dû se résoudre jeudi à repousser le vote de son projet de loi de la «dernière chance» sur le Brexit, fragilisant un peu plus son avenir à la tête du gouvernement conservateur.

Le texte a fait l’objet d’un déluge de critiques tant de l’opposition travailliste que des eurosceptiques de son propre Parti conservateur, entraînant ainsi la démission mercredi soir de la ministre chargée des relations avec le Parlement, Andrea Leadsom.

A 18H00 (16H00 GMT), le taux d’emprunt à 10 ans de l’Allemagne s’est détendu à -0,0122% contre -0,088% mercredi à la clôture du marché secondaire, où s’échange la dette déjà émise.

Celui de la France a suivi le même mouvement, se repliant à 0,279% contre 0,304%.

Le taux d’emprunt à dix ans de l’Italie s’est quant à lui stabilisé, à 2,634% contre 2,630%, tandis que celui de l’Espagne a un peu reflué, à 0,846% contre 0,863%.

Le taux de même échéance du Royaume-Uni a, quant à lui, fini de nouveau en forte baisse, à 0,951% contre 1,013%. 

Aux États-Unis, le rendement à 10 ans baissait également, à 2,312% contre 2,382% mercredi, à l’instar de celui à 30 ans, à 2,744% contre 2,808%. Celui à deux ans s’établissait de son côté à 2,146% contre 2,223%.