Bonds Europe: la dette des Etats séduit toujours

AWP

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Face aux aléas politiques, les émissions font office de test pour voir si l’appétit des investisseurs serait au rendez-vous. La réponse est oui, surtout du côté de l’Italie.

Face aux aléas politiques toujours nombreux en ce début 2019, les investisseurs ont choisi leur camp et plébiscitent la dette des Etats européens, Italie comprise, ce qui maintient les taux d’emprunts à des niveaux bas pour le moment.

La première quinzaine de janvier est traditionnellement marquée par une concentration d’opérations d’emprunts de la part des Etats.

Après une année 2018 éprouvante sur tous les marchés, ces émissions étaient particulièrement attendues, faisant office de test pour voir si l’appétit des investisseurs serait au rendez-vous.

Et ils ont clairement répondu présent, l’exemple le plus marquant étant celui de l’Italie.

«Le pays a levé 10 milliards à 15 ans, soit son opération la plus importante historiquement, avec une demande de 35,5 milliards, la plus forte jamais atteinte», détaille à l’AFP Frédéric Gabizon, responsable pour le marché obligataire chez HSBC France.

«Il était important de voir quelle serait la perception, après l’accord sur son budget, avalisé par la Commission européenne», rappelle l’expert de HSBC, qui faisait partie des banques pilotant l’opération.

Ce budget avait en effet fait l’objet d’un long bras de fer avec la Commission européenne qui en avait rejeté la version initiale - pour la première fois dans l’histoire de l’UE -, avant qu’un terrain d’entente ne soit trouvé.

Avec cette opération, «le pays a confirmé sa stabilisation, le rétrécissement de l’écart (spread) avec la dette allemande et tout cela s’est fait dans des conditions financières en ligne avec celles» des pays les mieux notés, complète M. Gabizon.

Les autres pays de la zone euro ont aussi fait le plein pour leurs premières opérations de 2019, et notamment la France dont le programme d’emprunt a été revu à la hausse fin décembre pour intégrer les mesures annoncées par le président français Emmanuel Macron en réponse à la crise des «gilets jaunes».

«Le capital confiance de la France n’a pas été affecté à ce stade, même si certains investisseurs s’interrogent sur la capacité du gouvernement à maintenir le cap des réformes», estime Franck Dixmier, directeur des gestions obligataires de AllianzGI.

«attraper un couteau au vol»

Cet engouement sur le marché «primaire», où les Etats lancent leurs opérations d’emprunts, a aussi été visible sur le marché dit «secondaire», où s’échangent les titres de dettes déjà émis, avec des taux d’emprunts qui ne prennent pas le chemin d’une hausse.

«Les catalyseurs ne sont plus tellement dans les considérations macroéconomiques. C’est plus la volatilité ou l’environnement de marché qui l’emporte», entraînant «des mouvements de repli sur les actifs de qualité» et donc la dette des Etats au moindre soubresaut, analyse Felix Orsini, responsable mondial des émissions de dettes souveraines de Société Générale CIB.

L’année 2018 en a déjà fourni une bonne illustration. Si, aux Etats-Unis, aiguillonnés par une économie dynamique et le resserrement monétaire de la Réserve fédérale américaine, les taux sont clairement remontés, cela n’a pas été le cas en Europe.

«La remontée que tout le monde prédisait n’a pas eu lieu. La croissance économique solide et une inflation à des niveaux acceptables plaidaient pour des taux plus hauts en Europe, mais l’incertitude politique a conduit beaucoup d’investisseurs à se réfugier sur l’obligataire», observe M. Dixmier.

Et, selon lui, «les investisseurs ne reprendront pas de risques sans stabilisation, ce serait comme attraper un couteau au vol».

Discussions toujours incertaines entre la Chine et les Etats-Unis en matière commerciale, Brexit ou encore paralysie de l’administration américaine: les nuages politiques sont encore nombreux.

Au final, selon tous les experts, 2019 s’annonce compliquée et, dans ce contexte, la hausse des taux d’intérêts européens que tout le monde attend depuis au moins deux ans pourrait ne pas avoir lieu cette fois encore.

D’autant que la Banque centrale européenne est encore très présente, même si elle a arrêté son programme de soutien fin décembre. Et «il y a toujours beaucoup de liquidités du côté des investisseurs», relève M. Orisini.

«Ce qui pourrait changer la donne, estime pour sa part Rose Ouahba, responsable de l’équipe taux de Carmignac, est que les négociations commerciales entre Pékin et Washington s’achèvent positivement et donnent l’opportunité à la Chine de créer les conditions d’une relance de son économie».

Un scénario qui pourrait bénéficier à l’Europe, via ses exportateurs.

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