Bonds Europe: dette allemande en territoire négatif

AWP

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Le taux d’emprunt à 10 ans de l’Allemagne a fini à -0,015% contre 0,041% jeudi.

Pour la première fois depuis octobre 2016, le taux d’emprunt à dix ans de l’Allemagne est passé en territoire négatif vendredi tandis que la courbe des taux américains s’est inversée, signes d’une prudence accrue des investisseurs, à défaut d’une récession imminente.

«Nous avons observé un gros mouvement sur les courbes de taux européennes» ce vendredi avec une baisse très prononcée des taux d’emprunt à long terme, a commenté auprès de l’AFP Geoffroy Lenoir, responsable des taux souverains en euros pour Aviva Investors.

Le taux d’emprunt à 10 ans de l’Allemagne a ainsi fini à -0,015% contre 0,041% jeudi à la clôture du marché secondaire, où s’échange la dette déjà émise. Celui de la France a terminé à 0,354% contre 0,403% la veille.

Et la correction a été tout aussi brutale sur les marchés actions, qui ont dévissé de 2% en moyenne à Paris et Londres tandis que la baisse était un peu moins prononcée à Berlin (-1,61%) et côté américain.

«Nous sommes dans un contexte où l’aversion au risque» est assez forte, ce qui induit «un report vers les actifs» les plus sûrs, au premier rang desquels les obligations d’Etat, a ajouté M. Lenoir.

«Nous nous rapprochons de l’échéance du Brexit et la croissance ne donne pas forcément de signe très positif», autant de facteurs négatifs qui s’ajoutent aux révisions à la baisse des perspectives conjoncturelle par la Réserve fédérale américaine (Fed) cette semaine, après celle de la Banque centrale européenne (BCE) début mars, indique encore le spécialiste.

Des inquiétudes reflétées également par le marché obligataire américain où, vers 13H50 GMT, le taux d’intérêt de la dette à trois mois (2,455%) est passé au-dessus du rendement de celle à 10 ans (2,447%), au plus bas depuis janvier 2018, une inversion considérée comme une forme d’anomalie du marché puisque, traditionnellement, plus l’investissement se fait sur une durée longue, plus le rendement servi est élevé.

«Sur la courbe américaine, le mouvement a été beaucoup plus violent que ce qu’on a vu après les annonces de la Fed», a observé Antoine Lesné, responsable stratégie et recherche de SPDR ETF (filiale de State Street Global Advisors).

Même si l’inversion de la courbe des taux a précédé de quelques trimestres la quasi-totalité des récessions américaines ces dernières décennies, «je ne pense pas que ce soit un signal immédiat qu’une récession approche», relève Justin Federer, stratégiste obligataire pour Cantor Fitzgerald.

«Seuil psychologique»

D’autant que ce phénomène «n’est pas le seul signal à surveiller». Au même titre «les demandes d’allocations chômage, l’activité manufacturière ou encore la production industrielle», il constitue «un facteur parmi d’autres» pouvant annoncer une récession, souligne Kathy Jones, responsable des produits à taux fixe pour la maison de courtage Charles Schwab.

Pour M. Lesné, ce n’est «en général pas un très bon signe en terme de cycle» économique mais «il faut voir si c’est un élément technique qui va se résorber ou quelque chose amené à durer un peu plus longtemps».

Ce mouvement de détente obligataire «assez massif», qui a vu les rendements obligataires allemands et français tomber vendredi au plus bas depuis octobre 2016, plaçant même le Bund en territoire négatif, est d’abord imputable à «des indices PMI qui ont été assez décevants, surtout sur les composantes manufacturières», pour M. Lenoir.

L’indice PMI pour le secteur manufacturier allemand s’est inscrit à 44,7 en mars, moindre qu’anticipé et surtout inférieur à 50, ce qui signifie que l’activité diminue.

Dans la zone euro, le PMI pour l’ensemble du secteur privé a reculé à 51,3 points en mars, également sous les attentes, tandis qu’il a atteint 48,7 points pour la France.

«Le glissement du rendement du Bund allemand en dessous de zéro aujourd’hui est un facteur contribuant à l’inversion de la courbe des rendements» puisqu’il «fait baisser les rendements à long terme partout dans le monde», explique Mme Jones.

«C’est toujours un seuil psychologique important de passer en dessous de zéro» mais une «bonne partie de la dette allemande est déjà en territoire négatif», relativise toutefois M. Lenoir.

Du côté des pays les moins solides de la zone euro, à l’instar de l’Italie ou de l’Espagne, les écarts de taux avec l’Allemagne et la France se sont creusés.

«Il y avait jusqu’à présent une espèce d’antinomie entre le marché obligataire et le marché actions», avance M. Lesné, or «cette différence de lecture ne peut pas durer éternellement et il y a un moment où l’un des deux doit céder».

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