Une décennie de finance d’impact

Nicolette de Joncaire

3 minutes de lecture

«Notre objectif est d'augmenter le pourcentage du capital mondial consacré au développement durable». Entretien avec Tim Radjy d’AlphaMundi.

La semaine consacrée à la finance durable à Genève bat son plein. Pionnier de la finance d’impact, AlphaMundi, dirigé par Tim Radjy, est partenaire de la conférence organisée ce mercredi 9 octobre par le Programme des Nations-Unies pour le développement (PNUD) où est débattue la réorientation du système financier. Pour les 10 ans de son fonds SocialAlpha, AlphaMundi, également sponsor du Building Bridges Summit, jeudi 10 octobre, s’associe donc aux Nations-Unies pour célébrer les Objectifs de Développement Durable (ODD). Dans la droite ligne de sa tradition de développement équitable.

Que signifie cette semaine à vos yeux?

Building Bridges est une mobilisation massive des acteurs du développement durable en Suisse, pour canaliser de nouveaux engagements financiers du secteur privé vers des solutions viables qui soutiendront les ODD. C’est la première semaine de cette nature à Genève, la première collaboration d’aussi grande envergure entre de multiples acteurs de la philanthropie, du secteur public, et de l’industrie financière. Plus personnellement, cette semaine nous donne l’opportunité de fêter les 10 ans du fleuron de nos investissements, notre fonds SocialAlpha.

La microfinance ne représente
que 20% de nos investissements.
Quel point vous parait-il important de rappeler au cours de ces journées?

Les sceptiques diront que l'investissement d'impact s'élève globalement à 500 milliards de dollars «seulement». Une goutte d’eau dans l’océan des 300 mille milliards que représente l’ensemble des actifs gérés. Mais là n’est pas la question. Notre objectif commun doit être d'augmenter le pourcentage du capital mondial dont on peut mesurer l’impact positif et contribuer ainsi de manière significative à la réalisation des objectifs du développement durable.

Vous avez créé deux prix récompensant des initiatives dans la finance d’impact.

Ce sera effectivement la première édition de deux prix que nous espérons remettre annuellement au sein de notre industrie dans les années qui viennent, en reconnaissance de solutions qui marchent pour les ODD et ceux qui les financent. Ils seront remis à deux entreprises sélectionnées par le PNUD et l’EPFL parmi plus de 100 candidats. Une façon de renforcer l’authenticité de la finance d’impact.

Vous considérez-vous comme un spécialiste de la microfinance?

Nous maitrisons effectivement bien ce domaine, et notre fonds Social Alpha se consacré depuis son lancement aux prêts aux institutions financières qui offrent des microcrédits aux toutes petites entreprises en Afrique et en Amérique du Sud, mais la microfinance ne représente que 20% de nos investissements.

A ce jour AlphaMundi a financé une quarantaine d’entreprises,
pour des montants s’étageant de 200'000 à 1 million de dollars.
De quelle autre manière êtes-vous engagés?

Nous investissons sous forme de prêts directs aux entreprises qui offrent l’accès aux énergies renouvelables, ou sont actives dans l’agro-alimentaire ou encore dans la fintech, également en Afrique et en Amérique Latine. A ce jour AlphaMundi a financé une quarantaine d’entreprises, pour des montants s’étageant de 200'000 à 1 million de dollars pour une durée de deux ans, et pour un total de l’ordre de 55 millions. Nous menons aussi une politique de coinvestissement direct avec les clients qui nous font confiance, leur ouvrant les portes de territoires totalement ignorés de la finance classique. Le portefeuille de coinvestissement est constitué pour deux tiers de prêts et pour le tiers restant de participations au capital.

Quel type d’entreprises financez-vous?

Elles ont un chiffre d’affaires compris entre un million de dollars pour les plus petites et 40 millions pour les plus grandes. L’objectif de nos financements est de leur permettre d’atteindre une certaine échelle puis de grandir au-delà de leurs frontières. Nous intervenons très tôt et sortons du capital dès l’objectif atteint, généralement remboursés lors de la 2eme levée de fonds. Ces financements ne sont donc prévus que sur de courtes périodes et le système fonctionne bien tant pour les prêteurs que pour les emprunteurs.

Quelle est la rentabilité de ces placements? Les entreprises font-elles souvent défaut?

Nous n’avons essuyé que deux faillites pour environ 750'000 dollars au total. Le rendement net offert par le fonds aux investisseurs est de 3% à 4% avec une liquidité trimestrielle. Les clients peuvent espérer un rendement supérieur sur le coinvestissement direct (entre 7% et 12% nets par an) mais le risque y est plus important, en raison de l’absence de diversification et de liquidité.

SocialAlpha est un fonds alternatif SIF
dont les investisseurs sont essentiellement européens.
Quels projets pour le futur?

Toujours les énergies renouvelables mais aussi l’agriculture organique, la tech et plus particulièrement l’agtech. Nous nous intéressons à des technologies qui permettent aux agriculteurs de résister au changement climatique. Par exemple, au Kenya, à SunCulture qui développe l’irrigation alimentée par l’énergie solaire avec un système de détection du taux d’humidité pour une distribution intelligente de l’eau, développé par une entreprise kenyane. Nous envisageons également des opportunités dans la gestion des déchets et le recyclage.

Vos équipes sont-elles implantées localement?

Notre base est à Genève mais la majorité des équipes est à Nairobi et à Bogota. Trois d’entre nous résident à Washington, en charge de la gestion de la fondation AlphaMundi.

Qui sont les clients de Social Alpha?

SocialAlpha est un fonds alternatif SIF dont les investisseurs sont essentiellement européens. Des personnes fortunées, des banques privées dont Lombard Odier, des fondations et la caisse de pensions Fondation Abendrot de Max Havelaar.

SDG Finance Geneva Summit
Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) organise le 9 octobre au Forum du Crédit Suisse la quatrième édition de son Sommet SDG Finance Geneva qui joue un rôle essentiel pour établir des ponts entre les acteurs de la Genève Internationale, l’écosystème genevois de l’innovation et des PMEs dans les marchés émergents et le secteur financier dans toute sa diversité mettant en lumière l’importance des partenariats pour la réalisation des objectifs du développement durable (ODD).
L’évènement cette année met l’accent sur la finance d’impact en rassemblant d’une part une vingtaine d’entrepreneurs des marchés émergents comme le Brésil, l’Inde ou l’Indonésie qui travaille sur des produits et services permettant l’accès aux plus pauvres à l’énergie renouvelable, la santé et les services financiers et d’autre part les poids lourds (suisses) de la finance d’impact comme Alphamundi, Symbiotics, Blue Orchard et Bamboo Capital. L’objectif est de montrer que développer à l’échelle des solutions pour les grands enjeux sociaux et environnementaux de notre temps est rentable, offrant un rendement compétitif aux investisseurs, tout en ayant un impact avéré et mesurable.
Parmi ce pool d’entrepreneurs, 12 finalistes du programme conjoint à l’EPFL, PNUD, SAP et Orange visant à identifier des licornes dans les pays en développement, présenteront leurs activités. Ces PMEs de taille moyenne, avec approximativement 50 employés, ont toutes un chiffre d’affaires annuel supérieur à 3 millions de dollars et un impact cumulé sur plus de 15 millions de vies sur les quatre continents grâce aux produits et services qu’ils ont développés. Quant aux panelistes et participants, ils représentent la majorité des actifs de l’impact en Suisse et en Europe, ce qui place le SDG Finance Geneva Summit en bonne place pour devenir l’évènement de référence sur cette thématique en Suisse.
https://www.sgsgeneva.org/agenda