Un écosystème malade de la dette

Anne Barrat

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Selon Steen Jakobsen, chef économiste et CIO de Saxo Bank, «remonter les taux, c'est prendre le risque que la bulle explose».

2018 n’aura servi à rien si la probable explosion de l’écosystème économico-financier ne débouche pas sur une révision profonde des règles de notre société.

Espoir, c’est la clé de voute de l’environnement macro-économique actuel qui vit depuis des années sur l’illusion d’une croissance factice entretenue par les taux d’intérêt bas. L’argent pas cher et facile a interrompu le cycle normal des affaires, en permettant à des entreprises non rentables de perdurer. La faiblesse du nombre des faillites ne traduit en aucun cas une santé réelle des entreprises, une augmentation de la productivité notamment, mais participe au mouvement d’endettement général, qui dure depuis plus de trente ans.

La dette a remplacé la créativité, jamais l’humanité n’a été plus endormie et stérile. Impuissante à enrayer le cercle vicieux et délétère à long terme de la dette. Impuissante et complaisante en même temps, puisque les flux abondants de liquidité ont entretenu la hausse régulière des marchés. A un point irréaliste: les attentes en termes de bénéfices par action pour 2018 sont plus élevées que le niveau jamais atteint de profit, donc même si tout va très bien, ces attentes ne se matérialiseront pas. C’est tout simplement impossible, mais les marchés, qui sont leur propre pire ennemi, font semblant de le croire, sous l’œil attentiste des banques centrales. Lesquelles se sont substituées aux Etats, devenant les plus gros acheteurs de dette au monde, sortant complètement de leur rôle originel et contrôlant de facto une grande partie des obligations d’Etat. Afin de contraindre une inflation, qui semble plutôt une crainte qu’une réalité aujourd’hui, la réponse qu’elles ont imaginée de concert– car nul ne doute que les grandes banques centrales coordonnent leur politique – porte le nom de normalisation monétaire. Comme si remonter le niveau d’intérêt était une solution magique pour assainir un écosystème malade de la dette, qui ne tient que parce que les taux sont bas. Les remonter, c’est prendre le risque que cet écosystème implose.

«L’écosystème actuel est malade de la dette, il ne tient que parce que
les taux sont bas. Les remonter, c’est prendre le risque
que la bulle qu’il a créée explose», prévient Steen Jakobsen.

Les banques centrales sont bien conscientes que le montant de la dette est insoutenable à long terme. Un véritable dilemme que seules inflation et récession peuvent résoudre. Le feu est orange, le risque de contagion du retournement récent de tendance sur les marchés actions aux autres classes d’actifs très grand, et de plus en plus limitée la latitude pour faire ce qu’il faut pour arrêter la folie d’un système unidimensionnel.

De vraies réformes, fiscales notamment sont nécessaires, et non la pseudo-réduction de Donald Trump. L’objectif est de renouer avec l’innovation, pour trouver de vrais gains de productivité. La hausse des salaires  que l’on agite ne peut durer, car elle ne repose pas sur  une amélioration de la productivité, dans un contexte où l’automatisation ne cesse de créer du chômage. Une réforme de l’impôt sur le revenu des salaires est nécessaire, qui encourage vraiment la main d’œuvre et découragerait le recours aux revenus, de subventions notamment. Egalement, les investissements publics doivent être redirigés vers l’éducation et la formation, clés d’une main d’œuvre qualifiée et productive, au lieu de nourrir des fonctions publiques pléthoriques. L’exemple de la Suisse est à cet égard révélateur, qui a misé ces dernières années sur une augmentation importante du secteur public, en pure perte pour l’économie helvétique.

«Si les taux longs américains passaient la barre des 3%,
2018 verrait le retournement le plus spectaculaire
que notre génération ait connu», explique Steen Jakobsen.

Que la bulle explose ou non, une allocation d’actifs en quatre parts égales s’impose en 2018. Ainsi la traditionnelle répartition 60/40 (actions/obligations) cèdera le pas à un équilibre sans exposition dominante à une classe d’actifs: 25% d’actions, 25% d’obligations; 25% de cash et 25% de matières premières. Ainsi, quel que soit le scénario de 2018, remontée des taux ou celle de l’inflation, la gestion d’un tel portefeuille (composé d’ETFS) sera à même de profiter de la performance d’au moins une classe tout en limitant les risques de moindre performance d’une autre. Certains thèmes d’investissement seront porteurs, comme les équipementiers (câbles, électricité, batteries), les biotech ou encore les compagnies minières.