Tous les analystes de Fidelity sont des analystes en durabilité

Yves Hulmann

2 minutes de lecture

Pour Ned Salter, les aspects ESG doivent être pris en compte tout au long du processus d’analyse et de sélection des investissements.

La plupart des gérants d’actifs intègrent aujourd’hui avec plus ou moins d’intensité les critères liés à la durabilité dans leur processus d’investissement. Pratiquement, comment fait-on pour intégrer ces aspects au cours de celui-ci? Faut-il s’appuyer sur sa propre recherche ou au contraire recourir à l’expertise de sociétés tierces spécialisées dans la durabilité? Le point avec Ned Salter, responsable de l’investissement thématique chez Fidelity International et spécialiste de ces questions auprès du gérant d’actifs.

Fidelity International a récemment introduit son propre système de notations de durabilité portant sur l’univers des actions et des obligations de Fidelity qui compte plus de 3000 émetteurs. Pourquoi ne pas utiliser la recherche proposée par les nombreux instituts tiers spécialisés dans les questions de durabilité?

Nous travaillons également avec des agences tierces telles que Sustainalytics ou MSCI. Ce sont des fournisseurs de données d’excellente qualité. Néanmoins, lorsqu’il s’agit d’attribuer une notation de durabilité à une entreprise ou de l’évaluer d’après les critères ESG (ndlr: environnementaux, sociaux et de gouvernance), le fait de s’appuyer uniquement sur des données tierces pose à mon avis plusieurs problèmes.

Nous avions besoin de développer un système qui avait une «authenticité»,
c'est-à-dire un système développé par Fidelity pour Fidelity.
Lesquels?

Premièrement, il y a le fait de devoir travailler avec des données qui reposent généralement sur le passé les fournisseurs de données tiers ont tendance à fournir des analyses fondées sur des données historiques – alors que chez Fidelity nous préférons travailler avec des données orientées sur l’avenir parce que cela s'harmonise avec notre processus de sélection des titres.

Deuxièmement, nous avions besoin de développer un système qui avait une «authenticité», c'est-à-dire un système développé par Fidelity pour Fidelity. Nous nous attendons à ce que tous nos analystes de recherche fassent des recommandations de placement – et que ces recommandations tiennent compte des questions de durabilité tout au long du processus d’analyse. L'utilisation de données exclusives de Fidelity est plus conforme à notre héritage et à notre ADN. Nous avons créé notre système de façon à ce qu'il soit agnostique quant aux catégories d'actifs – les analystes en actions et en obligations évaluant la société au niveau de «l'émetteur», plutôt qu'au niveau d’un «titre». Contrairement aux données de tierces parties, chaque émetteur ne peut faire l'objet que d'une seule note de durabilité.

Troisièmement, notre approche favorise l’engagement plutôt que l’exclusion. Nos analystes effectuent environ 16'000 meetings par an avec les quelque 3200 émetteurs que nous couvrons. Il est important que nous utilisions chacune de ces occasions pour nous engager auprès des entreprises, au nom de nos clients. Une évaluation exclusive de la durabilité peut aider à façonner notre stratégie d'engagement, transformant nos 180 analystes en analystes de la durabilité.

Une entreprise active dans le pétrole et le gaz ne peut pas être
évaluée de la même manière qu’une assurance.
Utilisez-vous une méthodologie différente selon les secteurs d’activité?

Oui – et c’est aussi une des raisons pour lesquelles nous préférons disposer de notre propre système d’évaluation des entreprises en matière de durabilité. Une entreprise active dans le pétrole et le gaz ne peut pas être évaluée de la même manière qu’une assurance, étant donné que les principaux risques liés à la durabilité diffèrent selon le secteur ou le sous-secteur. Nous utilisons les 11 secteurs GICS (ndlr: Global Industry Classification Standard, selon MSCI) qui se subdivisent à leur tour en 99 sous-secteurs. Le secteur pétrolier, par exemple, se subdivise entre les compagnies pétrolières intégrées («integrated oil»), celles spécialisées dans les services de type «downstream», etc. Nous adaptons notre analyse ESG pour chacun de ces sous-secteurs.

De quelle manière?

Si l’on prend les exemples de sociétés comme Royal Dutch Shell et Facebook, il est évident que nous allons concentrer notre attention sur des aspects très différents. Pour la première, l’accent sera mis sur l’aptitude pour le groupe pétrolier à réduire ses émissions de CO2. S’agissant de la seconde, l’accent sera placé notamment sur la protection des données des utilisateurs du réseau social.

Tenez-vous compte de l’évolution d’une entreprise en matière de durabilité?

Oui, c’est aussi un aspect essentiel. Nous attribuons en plus une «trajectory opinion» à une société. Celle-ci sert à évaluer comment une entreprise évolue en matière de durabilité. Cette note peut être «stable», «en amélioration» ou «en détérioration».

Il est notre responsabilité vis-à-vis de la société de contribuer à ce que chaque
entreprise analysée s’améliore en termes de durabilité.
Y a-t-il des situations où vous choisissez d’exclure tout simplement une entreprise de votre univers d’investissement?

Cela arrive mais ce n’est pas notre approche préférée. Nous pensons qu'il est notre responsabilité vis-à-vis de la société de contribuer à ce que chaque entreprise analysée s’améliore en termes de durabilité et déploie son capital de manière sensée. Plutôt que d’exclure d’emblée une entreprise, parce qu’elle est par exemple encore impliquée dans quelques domaines d’activité très polluants, nous allons plutôt l’aider à désinvestir certains des actifs concernés et à réorienter une partie de ses activités. Si nous l’excluons d’emblée, peut-être qu’une telle entreprise poursuivrait ses activités dans ces domaines nuisibles d’un point de vue environnemental.

Quelle est la sensibilité des investisseurs suisses aux questions de durabilité?

Extrêmement élevée ! Sur ce plan, je pense que seuls les pays nordiques sont encore plus avancés concernant les questions de durabilité que la Suisse. A chacune de mes rencontres avec des clients en Suisse, la durabilité a toujours figuré parmi les premières questions que l’on m’a posées.