Spécialiste genevois de l’investissement direct

Nicolette de Joncaire

3 minutes de lecture

Adam Said de ACE & Company estime avoir réussi son pari: amorcer à Genève un écosystème du private equity.

 

Il y a 10 ans à peine, les banquiers privés ne s’intéressaient que d’assez loin au private equity. «Trop de risque, pas assez de liquidité» entendait-on souvent. Avec l’affaiblissement des rendements sur les classes d’actifs traditionnels, ce type d’investissement jouit aujourd’hui d’une popularité grandissante. En témoigne la croissance des actifs d’ACE & Company: 40% en 2015, 40% en 2016, 50% en 2017. Spécialisée dans l’investissement direct, la société cofondée en 2005 et dirigée par Adam Said compte 870 millions de francs sous gestion et ambitionne d’atteindre le milliard cette année. Au lendemain de la 4e édition du Global Investment Forum, organisé par ACE en collaboration avec la Banque SYZ et SS&C Global Ops, Adam Said peut estimer avoir réussi son pari: amener à Genève le monde du private equity.

Le Global Investment Forum vient de s’achever. Quels sont ses objectifs?

L’objectif principal du forum – qui a réuni 500 personnes – est de fédérer les acteurs du private equity au moins une fois par an à Genève et de montrer que la place abrite des acteurs intéressants. Contrairement à beaucoup de ces rencontres, celle-ci ne se limite pas aux professionnels de la finance mais réunit sous un même toit les investisseurs, les compagnies qui cherchent du financement et les prestataires de service, dans le but de favoriser des conversations circulaires entre tous les acteurs. A Genève, on travaille parfois trop en silos. Il faut casser les barrières pour que l’écosystème puisse s’épanouir. C’est d’ailleurs en cours: la Swiss Entrepreneurs Foundation, dotée de 500 millions en témoigne.

«Les opportunités sur les marchés émergents
vont se multiplier dans les années à venir.»
Le private equity connait une vague de popularité. Quels rendements atteignent les portefeuilles?

Sur nos actifs, le taux de rendement interne (IRR), toutes stratégies confondues, est d’environ 15%. Bien évidemment, le rendement varie d’une stratégie à l’autre mais la valeur créée depuis notre lancement est de l’ordre de 150 millions pour nos investisseurs.

Où investissez-vous?

Aujourd’hui nous avons moins de 50% de nos capitaux placés aux Etats-Unis, 30% en Europe – Grande-Bretagne et pays d’Europe de l’Est inclus, et le reste dans le reste du monde dont une moitié en Asie. Nous aimerions que la répartition soit d’un tiers sur chaque grande zone géographique et jugeons que les opportunités sur les marchés émergents vont se multiplier dans les années à venir. Il ne faut pas oublier que l’horizon d’investissement du private equity est long et que les fluctuations de devises qui posent tant de problèmes aux classes plus traditionnelles ont un impact limité dans notre univers. Notez que 7 à 8% de nos investissements sont en Suisse. Nous souhaiterions en avoir davantage mais les autres marchés grandissent vite!

Comment sont répartis vos collaborateurs?

Nous sommes 38 dont 20 à Genève et le reste réparti entre Hong Kong, New York, Le Caire et Londres.

Vous engagez-vous dans le seed finance?

Pas en direct, uniquement par l’intermédiaire d’incubateurs ou d’accélérateurs, avec des montants pouvant atteindre le million.

«Les opportunités les plus intéressantes dans les fintech
sont celles qui apportent de nouveaux services au client final.»
Quelle la nature de votre clientèle?

Nous nous adressons essentiellement à une clientèle privée composée largement d’investisseurs de nouvelle génération et d’entrepreneurs. Chaque stratégie n’implique que 5 à 10 investisseurs et la relation est extrêmement personnalisée. 75% de nos clients investissent par le biais de nos portefeuilles et 25% sont sous mandats gérés.

En Suisse, vous avez pris une participation dans Leclanché et êtes également sur son conseil d’administration. Pourquoi?

Nous voulions que l’entreprise reste suisse, que son financement soit assuré et que sa différenciation technologique soit cultivée. Pour ce qui est du financement, vous savez que la semaine dernière, Leclanché a levé 76 millions de dollars supplémentaires. Mission accomplie après trois ans d’effort.

Les opportunités dans les fintech suisses sont-elles nombreuses?

Très nombreuses et les banques commencent à s’y intéresser.  A mon sens, les plus intéressantes sont celles qui apportent de nouveaux services au client final: crédit, assurance, reporting. Je note toutefois que l’administration ne joue pas en leur faveur. Trop de bureaucratie, trop de lenteurs. Il faut parfois 6 mois pour ouvrir une entreprise. Pendant ce temps, les dépenses courent.

A propos d’Asie, vous avez investi au Myanmar. Dans quel contexte?

Nous travaillons en partenariat avec un fonds local mais sommes également partie prenante directe du Memories Group, une société spécialisée dans le tourisme et cotée depuis janvier à Singapour. Deux Suisses sont à la tête de cette entreprise dont Michel Novatin, ancien directeur du Kempinski.

«Il est dans nos intentions de beaucoup dynamiser
notre département de recherche, situé en Egypte.»
Quel est l’horizon d’investissement?

En moyenne, il est de 5 à 6 ans mais il peut aussi en dépasser 10 si les circonstances le justifient, en bien ou en mal: quand une société a besoin de davantage de soutien ou quand le retour sur investissement est meilleur qu’anticipé. La flexibilité est essentielle. Il ne faut pas avoir peur d’être là quand les choses vont mal.

Etes-vous actif aux conseils d’administration des sociétés où vous prenez des parts?

Oui mais notre rôle dépend de ce qui doit être fait. Nous n’avons pas la prétention d’être des spécialistes de chacune des industries mais maitrisons très bien l’analyse des fusions et acquisitions, l’étude de compétition et la fertilisation croisée. Il est dans nos intentions de beaucoup dynamiser notre département de recherche, situé en Egypte, et dont les ressources devraient tripler à 20 collaborateurs rapidement. Ce développement nous permettra de publier une recherche pertinente sur commande à l’intention des investisseurs ou des sociétés investissables.

Comment fonctionne votre partenariat avec la Banque SYZ?

ACE & Company n’est pas le bras private equity de SYZ. Nous leur apportons notre expertise et des opportunités d’investissement dans le cadre d’une relation qui n’est exclusive ni dans un sens ni dans l’autre.

Vos actifs ont beaucoup progressé au cours des trois dernières années. Quelles sont les prochaines étapes?

Nos actifs pourraient dépasser le milliard cette année. Si c’est le cas, nous envisagerons une pause pour structurer différemment la manière dont nous travaillons et identifier les bonnes ressources du futur. Dans notre industrie, mieux vaut grandir par palier.