Pour certaines catégories de produits et de titres, la baisse des tarifs annoncée mardi par Saxo Bank est particulièrement prononcée. Les frais minimaux pour négocier des actions suisses passeront ainsi de 20 francs à 3 francs, soit une réduction de 85%. Pour les actions américaines, la baisse sera encore plus marquée, avec des coûts qui n’atteindront plus que 1 dollar, contre 20 dollars précédemment, a indiqué la banque dans un communiqué. Pour autant, Saxo Bank n’entend pas proposer une offre de trading entièrement gratuite mais privilégie plutôt une approche axée sur la transparence des prix. Stanislav Kostyukhin, CEO pour la Suisse chez Saxo Bank depuis octobre dernier, explique les raisons de la nouvelle tarification.

Saxo Bank (Suisse) annonce une réduction allant jusqu’à 95% de ses frais pour certains produits sur la plupart de ses marchés clés. Quelles catégories de produits en Suisse vont être concernés le plus fortement par cette baisse, et lesquelles ne le seront qu’en partie?

En Suisse, la forte diminution des frais à hauteur de 95% concernera différents titres tels que les actions suisses et américaines ainsi que d’autres produits tels que des ETF, des options cotées ou encore des futures. Sans oublier une réduction significative des frais lors de la conversion des devises. La raison pour laquelle nous avons choisi de réduire de manière aussi spectaculaire les frais pour les actions suisses ou américaines est que nous avons constaté que nos clients investissent fréquemment dans ces catégories de titres et que les frais qui y sont liés ont dès lors beaucoup d’importance. A titre d’exemple, les frais minimaux s’appliquant au négoce d’actions américaines étaient auparavant de 20 dollars par transaction. Désormais, les frais minimaux par trade tombent à 1 dollar. La baisse des tarifs est également importante pour les tarifs qui s’appliquent de manière proportionnelle: ceux-ci passent de 15 points de base jusqu’à présent à seulement 8 points de base désormais. La réduction des tarifs profitera donc à la fois aux investisseurs qui traitent des volumes importants et à ceux qui placent de faibles montants. Elle sera particulièrement pertinente pour les personnes qui investissent de petits montants mais aussi pour ceux qui placent de faibles montants sur une base régulière.

«Nos conditions deviennent vraiment beaucoup plus avantageuses pour les gens qui investissent régulièrement de petits montants ou qui effectuent régulièrement des transactions.»

A supposer qu’un investisseur ait l’habitude d’acheter à la fin de chaque mois une nouvelle action Apple ou Nvidia, pour prendre deux exemples bien connus de la bourse américaine, dans le but d’éviter d’acheter des titres à un moment défavorable, quels sont les frais qu’il payait auparavant et ceux qui lui seront facturés nouvellement?

Auparavant, cet investisseur aurait dû payer 12 fois 20 vingt dollars de frais chaque mois, soit un coût total de 240 dollars sur un an. Désormais, ses coûts ne seront plus que 12 dollars pour un an (12 fois 1 dollar par transaction). S’y ajoute le fait que – si l’on garde ce même exemple – les investisseurs profiteront aussi de frais de conversion des devises nettement plus avantageux qui n’atteindront plus que le quart des tarifs précédents. Nos conditions deviennent vraiment beaucoup plus avantageuses pour les gens qui investissent régulièrement de petits montants ou qui effectuent régulièrement des transactions.

Comment Saxo Bank peut-elle compenser ces pertes de revenus?

Depuis quelques années, Saxo Bank, qui était auparavant plutôt perçu comme étant une plateforme réservée à des investisseurs chevronnés ou semi-professionnels, s’est davantage ouverte au grand public. Saxo Bank vise une base beaucoup plus large de clients qu’il y a dix ans par exemple. Ce mouvement s’est renforcé suite à l’acquisition de BinckBank en 2019, complétée en 2021. D’environ un quart de million de clients, nous sommes passés à environ 700'000 clients suite à cette acquisition et à plus d’un million aujourd’hui. Et la pandémie a renforcé l’intérêt des utilisateurs pour investir par eux-mêmes. Maintenant, pour revenir à la question de savoir comment nous pouvons être rentables malgré cette baisse des tarifs, nous misons sur les effets d’échelle, l’amélioration de l’efficience due à l’automation, les gains de productivité résultant de la numérisation et de l’intelligence artificielle (IA). De plus, au-delà de notre public initial d’investisseurs déjà expérimentés, nous pensons qu’un grand potentiel de futurs clients reste à explorer, en particulier en Suisse. La Suisse est un marché particulièrement important pour Saxo Bank du fait que beaucoup d’utilisateurs ont des comptes d’une certaine taille et qu’il s’agit d’une clientèle sophistiquée. Nous mettons aussi à disposition différents outils qui permettent aux investisseurs d’évaluer la qualité de leur portefeuille, son niveau de risque, sa diversification.

Les bourses ont fortement rebondi en 2023. N’y a-t-il pas un risque que certains investisseurs prennent trop de risque, portés par l’euphorie sur certains marchés?

Nous rendons nos clients attentifs aux outils de contrôle des risques qui sont mis à leur disposition. Par exemple, si des clients n’ont pas placé d’ordre de type «stop loss» pour se protéger contre le risque de chute des titres qu’ils détiennent, nous faisons apparaître une fenêtre sur l’écran qui les rend attentif à cet aspect. La gestion des risques et la diversification sont des aspects toujours plus essentiels sur une plateforme comme la nôtre. Et c’est aussi dans notre intérêt en tant qu’exploitant de plateforme d’éviter de trop grandes fluctuations de valeurs des portefeuilles de nos clients.

«Si un prestataire propose à ses clients de faire du trading gratuitement, il récupérera la mise d’une autre manière. Chez Saxo Bank, nous préférons proposer une offre plus transparente».

Que pensez-vous des offres de trading entièrement gratuites, à l’exemple de celles proposées par plateformes comme Robinhood aux Etats-Unis?

La tendance à la réduction des tarifs est un mouvement de fond qui s’est mis en place dès les années 1980 dans le domaine du trading. S’agissant de ce que l’on appelle «the race to zero» en anglais, je pense qu’il n’y a pas de miracle en la matière. Si un prestataire propose à ses clients de faire du trading gratuitement, il récupérera la mise d’une autre manière. Il n’y a pas de «free lunch», comme on dit parfois. Chez Saxo Bank, nous préférons proposer une offre plus transparente avec laquelle les clients savent ce qu’ils paient pour ce qu’ils obtiennent.

Une autre tendance observable ces dernières années sur certaines plateformes est la génération d’idées de trading qui sont proposées directement aux clients en fonction de leurs affinités. Qu’en est-il chez Saxo Bank?

Outre le fait de mettre à disposition des clients des outils d’aide à la gestion des risques, nous proposons aussi différents thèmes susceptibles de les intéresser, allant des placements ESG, aux semi-conducteurs ou à l’IA. De plus, nous sélectionnons des informations sur mesure qui sont pertinentes pour les clients en fonction de leurs intérêts ou des titres figurant dans leur portefeuille. S’y ajoutent aussi une offre de podcasts en libre-accès.

2022 et 2023 ont été des années particulièrement riches en événements sur les marchés des cryptomonnaies. Que proposez-vous dans ce domaine?

La Suisse est une place très importante pour les cryptomonnaies et il y a un nombre élevé d’acteurs dans ce domaine. Mêmes les autorités de certains cantons permettent aux contribuables de payer leurs impôts en cryptomonnaies. En ce qui concerne Saxo Bank, les cryptomonnaies restent une ligne de produits relativement étroite pour nous, qui représente moins de 1% de nos bénéfices globaux. Nous mettons à disposition de nos clients les produits les plus courants dans le domaine des cryptomonnaies – par exemple, nous avons tout de suite proposé un nouvel ETF basé sur le Bitcoin «spot» début janvier. Nos clients peuvent investir dans le Bitcoin, l’Ethereum ainsi que dans les plus importes cryptomonnaies.

Dans l’ensemble, compte tenu de la volatilité du marché des cryptomonnaies et de certaines incertitudes sur le plan de la régulation de celles-ci, nous gardons toutefois une attitude plutôt conservatrice envers les développements en cours dans ce domaine.