Répondre au besoin de crédibilité

Nicolette de Joncaire

2 minutes de lecture

«La finance durable n’est ni un thème sympa pour le marketing, ni un style de gestion». Antoine Mach sur le CAS en finance durable de la HEG.

De finance durable on parle beaucoup mais l’expertise reste encore peu développée. Si les standards sont innombrables – de 200 à 600 selon les sources -, créant une certaine confusion, les formations restent rares. Cité en exemple1, le Certificate of Advanced Studies (CAS) en finance durable de la Haute école de gestion (HEG) est l’un des atouts qui permet à Genève de prétendre au leadership dans ce champ d’activités. Initié en janvier de cette année, ce cursus inédit s’adresse aux professionnels dans le cadre d’une formation continue. Début octobre, le prix de la meilleure innovation pédagogique2 lui a été décerné lors des distinctions remises conjointement par le Forum pour l’Investissement responsable et les Principes pour l’investissement responsable. Co-responsable du projet avec Andrea Baranzini et Jean Laville, Antoine Mach, CEO de Covalence, répond à quelques questions. 

«Les conseillers ne maitrisent pas le narratif,
l’argumentation, pour convaincre les investisseurs.»
Pourquoi cette formation?

Parce que plusieurs études démontrent que le niveau des professionnels de la finance n’est pas suffisamment élevé dans ce domaine et que c’est un frein au développement de la finance durable car les conseillers ne maitrisent pas le narratif, l’argumentation, pour convaincre les investisseurs. 

Pouvez-vous nous en dire plus sur le contenu?

Destinée aux professionnels dans le cadre de la formation continue, elle est dispensée à raison d’une dizaine d’heures par semaine sur six mois, partiellement en e-learning et partiellement en présentiel et se décline en trois dimensions. Premièrement, synthétisées par Jean Laville et par moi-même, les notions de base qui comprennent le concept d’externalité, de responsabilité, les parties prenantes ainsi que les multiples standards de référence. Ensuite, place aux témoignages de professionnels, sous forme de courtes vidéos de sept minutes avec, par exemple, Sabine Doebeli de Swiss Sustainable Finance ou Vincent Kaufmann d’Ethos.  Enfin et surtout, la dimension pratique, sous forme de jeux de rôle. 

Qu’entendez-vous par jeux de rôle?

Les participants doivent construire leur propre démarche en adoptant différents rôles; celui d’investisseur, un fonds de pension par exemple; celui d’un analyste ESG en charge de l’évaluation d’entreprises; celui de gestionnaire d’actifs, responsable de la sélection de fonds; celui de conseiller en investissement, capable de défendre un investissement d’impact ou thématique; ou encore celui d’actionnaire engagé. Tous ces travaux seront ensuite compilés dans un rapport final. Il s’agit donc de mises en situation successives pour la construction d’une stratégie d’investissement durable sous tous les angles. Doivent être définis le pourquoi et le comment, les objectifs et les priorités, la matérialité d’une approche ESG, le fonctionnement des outils (par exemple les notations de crédit) etc. Ces exercices ont pour vocation de servir de base à une pratique de la finance durable dans l’industrie. 

«Les institutions auxquelles les participants appartiennent peuvent
être aussi diverses que UBS, Pictet ou la Banque Alternative.»
Parlez-nous des participants.

Notre objectif se situe entre 20 et 25 participants et la première volée en a réuni une vingtaine. Ce sont des gens qui travaillent déjà dans la finance, souvent dans des fonctions de contact avec la clientèle mais aussi dans le financement de l’immobilier ou dans les hedge funds. Les institutions auxquelles les participants appartiennent peuvent être aussi diverses que UBS, Pictet ou la Banque Alternative. Ils ou elles cherchent parfois à se reconvertir ou à donner un nouveau sens à leur métier. Les motivations peuvent donc être personnelles tout autant que professionnelles.

Est-ce pour élargir l’audience que l’enseignement est dispensé en anglais?

Oui, et le public vient d’au-delà de la Suisse Romande; de Suisse alémanique mais aussi de l’étranger, France, Italie ou Danemark. 

Cette formation est certifiante. Comment se fait l’évaluation des participants?

Effectivement, cette formation permet l’obtention d’ECTS3 ce qui est rare pour une formation partiellement en ligne. L’évaluation se fait sur le rapport final. Notez qu’il n’y a pas de soutenance formelle du mémoire mais, qu’au cours des journées présentielles, on demande aux participants d’exposer l’un des chapitres de leur rapport. 

Cette formation a obtenu un prix extrêmement prestigieux. Que dénote-t-il?

Il dénote à la fois l’importance du besoin de professionnels formés en finance durable et la reconnaissance de l’expertise genevoise, tant celle de la HEG que celle de la trentaine d’experts qui participent au cursus. La finance durable offre une grande diversité et donc un potentiel pour faire tout et n’importe quoi avec un risque de discréditer l’approche. La crédibilisation passe par une formation solide qui oblige à préciser les intentions et fait la lumière sur les outils. Ce n’est pas juste un thème sympa pour le marketing, ni un style de gestion. Il faut comprendre que la société exige de la finance d’améliorer l’orientation des flux de capitaux. Aujourd’hui, le principal défi de la finance durable n’est plus la performance, c’est la crédibilité. 

Combien de temps vous-a-t-il fallu pour construire cet enseignement?

Il nous a fallu trois ans pour penser et préparer le contenu. La plateforme web a été construite grâce au soutien de Cyberlearn qui est le centre d’e-learning de la HES-SO.

 

1 «Coup de projecteur sur la finance durable», interview d'Edouard Cuendet, directeur de la Fondation Genève Place Financière. 
2 Prix international pour le CAS en finance durable de la HEG-Genève 
3 ECTS: Système européen de transfert et d'accumulation de crédits

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