Pourquoi les investisseurs sous-performent-ils?

Nicolette de Joncaire

3 minutes de lecture

«En matière de retour sur investissement, le cheminement compte plus que la performance absolue», affirme Guner Turkmen de LGIP.

 

La performance d’un fonds n’est pas tout, loin de là. Ce qui devrait vraiment compter pour un gérant est celle réalisée par ses investisseurs. Les travaux de plusieurs instituts de recherche dont Morningstar et Barber Odean montrent régulièrement que la performance d’un investisseur est invariablement inférieure à celle des fonds sur lesquels il se positionne car il tend à acheter après les phases de hausse et à vendre après les baisses. Ce biais de comportement a fait l’objet de nombreuses études. Il y a quelques années, on constatait que la performance du meilleur fonds au monde se montait à 18% annualisés sur 10 ans alors que celle de ses investisseurs était fortement négative. Question de volatilité et de timing. En matière de retour sur investissement, le cheminement importe bien davantage que la performance absolue. Entretien avec Guner Turkmen, CEO de LGIP.

Votre approche du risque diffère de celle des autres gérants. Pourquoi?

La qualité première d’un bon gérant est le retour sur investissement pour l’ensemble de ses investisseurs durant toute la vie du fonds. De nombreuses études de marchés ont démontré que la performance d’un investisseur est systématiquement inférieure à celle des fonds dans lesquels il investit car il tend à acheter après les phases de hausse et à vendre après les phases de baisses. C’est un comportement typique. Sur la décennie 2000 - 2010, une étude a classé les meilleurs fonds au monde par performance absolue et a calculé la performance moyenne de l’ensemble des investisseurs dans le fonds sur la même période. Le constat était choquant: le meilleur fonds affichait en effet une performance annualisée de 18%, alors que le retour sur investissement pour ses investisseurs était significativement négatif. En y regardant de plus près, on voit clairement que cela est dû à la fois à la volatilité et au mauvais timing.

Il faut une très grande liquidité des actifs et un trading continuel
pour maintenir à niveau constant la volatilité d’un portefeuille.

En conséquence, on comprend bien que les actifs qui, à terme, représentent le meilleur placement sont ceux dont la volatilité est la plus faible car le cheminement est plus important que la performance absolue. Notre objectif est de toujours générer de la performance pour nos clients. Un des seuls moyens que nous ayons d’exercer de l’influence sur leurs décisions d’entrer ou de sortir d’un de nos fonds, c’est en leur offrant un niveau de volatilité fixe et une perspective de baisse (drawdown) limitée. Et, pour maintenir à niveau constant la volatilité d’un portefeuille alors que celle de ses sous-jacents évolue constamment, il faut une très grande liquidité des actifs et un trading continuel. La plus grande baisse (drawdown) que nous ayons jamais observée sur notre fonds «flagship» a été de 6% alors que pour les indices boursiers, les pertes durant la même période avaient avoisiné les -50%. Notre objectif demeure donc de préserver le capital et être positif même en période de stress en ciblant un niveau de volatilité et non un rendement absolu.

LGIP a été créé en 2007. A quel point a-t-il été difficile de susciter l'intérêt des investisseurs dans les années qui ont suivi?

Dire que ce fut difficile est un euphémisme. Les investisseurs avaient perdu confiance. Il fallait nous adapter à une nouvelle dynamique des marchés dont nous ne savions encore rien sauf qu’elle ne ressemblerait pas à celle du passé. Nous avons, d’entrée, choisi la transparence et la robustesse de l’opérationnel comprenant qu’elles offraient des garanties intéressantes pour les investisseurs. Notre premier fonds d'arbitrage et de trading multi-stratégies a été lancé début avril 2008. Sa performance était de +6% dès fin 2008, performance qui s’est poursuivie en 2009, ce qui mérite d’être mentionné car peu de véhicules ont réussi de telles performances sur ces deux années. Ce fonds, performant en période de stress, est devenu notre vaisseau amiral.

Pour atteindre vos objectifs, vous préconisez une approche systématique et reproductible, associée à un trading opportuniste. Qu’entendez-vous par là?

Nous ne tentons pas de prédire les marchés mais appliquons un processus systématique, sans convictions personnelles, que les marchés soient haussiers ou baissiers. Chaque véhicule inclut un ensemble de stratégies de trading direct sur différents marchés dont nous ajustons continuellement les paramètres, un peu comme les pistons d’un moteur, pour ajuster le profil risque/rendement recherché. Le point de départ d’une stratégie est toujours l’identification d’une opportunité – arbitrage, inefficience, configuration de marché, relation entre corrélations. L’étape suivante est de créer les mécanismes qui exploitent méthodiquement cette opportunité avec une stratégie long/short qui tire parti des forces ou des faiblesses constatées, déclenchée par des signaux courts (sur une journée) ou longs (sur une semaine). Si nous découvrons une faiblesse dans un secteur, nous cherchons à identifier si elle se retrouve ailleurs. L’ensemble est chapeauté par une approche très cohérente en matière de risque. En 2008 et 2009, quand les investisseurs liquidaient leurs positions, nos gains sont venus des positions courtes. Peu nous importe que le marché soit baissier ou haussier. La volatilité est notre alliée.

Transparence et robustesse d’exécution
nous ont immédiatement paru indispensables.
Pouvez-vous nous donner des exemples d’opportunités?

Elles sont légions sur les marchés, partout et en tout temps. Par exemple, des opportunités peuvent apparaitre lorsqu’on analyse les corrélations dans un même secteur, comme l’énergie, plus particulièrement entre des sociétés opérant dans des régions différentes du monde.

Comment votre offre est-elle structurée?

Comme je l’évoquais plus haut, transparence et robustesse d’exécution nous ont immédiatement paru indispensables ce qui nous a conduit à construire une équipe solide et à demander rapidement une licence à la Finma que nous avons obtenue en 2013. Notre premier fonds UCITS a été ouvert cette même année et nous gérons aujourd’hui un fonds obligataire UCITS, un fonds équilibré actions-obligations UCITS et trois fonds à liquidité hebdomadaire auquel il faut ajouter des mandats institutionnels et des mandats privés, pour un total de 700 millions de dollars sous gestion.

Vos modèles sont-ils tous propriétaires?

Nos modèles entièrement systématiques ou quasi-systématiques sont entièrement développés par notre équipe. Sur un total de 15 collaborateurs, sept sont des professionnels de l’investissement au bénéfice d’une formation scientifique.

Quelle est la nature de votre clientèle?

Nos clients sont principalement des family offices, des banques privées ou des gérants de fortune.

Sommes-nous entrés dans une phase de risk-off?

C’est le genre de choses qu’on ne sait qu’après coup mais qui nous importe peu car nos modèles y sont indifférents. Ce qui nous réussit le mieux, c’est une volatilité continue sans changement brutal de direction. Et, si nous sommes effectivement entrés dans une période de risk-off à long terme, alors notre approche de la gestion du risque et nos stratégies deviendront encore plus pertinentes.