Placements immobiliers à la loupe

Anna Aznaour

2 minutes de lecture

Zoom sur la baisse de la commercialisation des surfaces de location et la chute des loyers dans le rapport semestriel 2018 de KPMG.

Ulrich Prien et Laurent Aillard.

Les prévisions relatives à la croissance du PIB suisse ne font pas l’unanimité. Pendant que le Secrétariat d’État à l’Économie table sur 2,4%, les banques Crédit Suisse et UBS s’attendent à 1,8%. Malgré la reprise économique que tous soulignent, le marché des placements immobiliers connaît une hétérogénéité importante entre les offres et les demandes en surfaces. Ces tendances, cohérentes avec les évolutions démographiques et les récentes habitudes du travail, reflètent les nouveaux besoins des consommateurs. Explications d’Ueli Prien, directeur Real Estate, et Laurent Aillard, manager chez KPMG.

Le télétravail serait-il la raison de la baisse de la demande en surface de bureau constatée dans votre rapport?

Ueli Prien: Certes, le télétravail a de l’avenir. Mais son étendue en Suisse reste plutôt modeste. Cela peut s’expliquer par la culture du pays, où les employeurs demeurent traditionnalistes, en ce sens qu’ils préfèrent avoir leurs employés à leurs côtés. Donc louer des places de travail pour quelques heures dans un restaurant, comme cela se fait à New York, n’est pas dans les mœurs suisses. Du moins pas encore.

«Le télétravail ne permet pas de réduire
les besoins en espace de travail.»

Laurent Aillard: Pourtant, les gens sont demandeurs de ce mode de fonctionnement qui les exonère de l’obligation de présence physique au bureau. Cependant, le télétravail en lui-même ne permet pas de réduire les besoins en espace de travail. Ce qui se pratique un peu partout actuellement, c’est le desk sharing grâce auquel il y a une rotation du personnel dans des places de travail qui ne sont plus individuelles mais communes. L’un des secteurs professionnels les plus concernés est celui du conseil (ex. audit), dont les travailleurs sont généralement très mobiles car en déplacement fréquent chez les clients. L’installation, depuis environ trois ans, de la fibre optique un peu partout dans le pays a encore amplifié cette tendance au bureau mobile.

Y a-t-il des critères qui rendent certaines surfaces de location plus recherchées?

L.A.: Oui, clairement. L’accessibilité des locaux par des transports en commun est un critère essentiel pour les clients, qui recherchent avant tout des bureaux qualitatifs. À Genève, par exemple, nous avons eu dernièrement quelques transactions intéressantes dans le nouveau quartier baptisé Pont-Rouge, dont la proximité avec la future gare du CEVA a été le point clé de l’intérêt des utilisateurs puis des investisseurs. Un autre critère non négligeable est la possibilité d’usage multiple de la surface locative brute. Typiquement, les nouveaux bâtiments offrent une modularité de l’espace de travail, qui est nettement réduite dans des bâtisses anciennes. Ainsi, les clients veulent des grands plateaux pour les aménager en fonction de l’évolution des besoins de leur entreprise et du volume mouvant de leurs équipes.

«Le pic du taux de logements vacants en 2017
s'explique notamment par le recul de l'immigration.»
Comment expliquez-vous le pic du taux de logements vacants en 2017?

U.P.: Deux raisons pourraient l’expliquer. D’une part, le fait d’avoir construit beaucoup dans les années précédentes, et d’autre part, le recul de l’immigration. Cette dernière est sans doute impactée par la bonne santé économique de l’Allemagne, car les cantons qui arrivent en tête de liste des logements vacants sont, comme par hasard, Argovie et Soleure. Contrairement à Zurich et à Bâle, très densément peuplées, ces localités, offrant des grands volumes de terrains nus, sont toujours très prisées des constructeurs, qui peuvent y bâtir sans entraves. Mais, avec la chute du nombre d’immigrés, les logements locatifs se retrouvent désertés, car le peu d’arrivants se concentrent dans les grands centres urbains.

Quelles est la fourchette des prix de loyers prisés?

U.P.: Cela dépend du lieu et du budget des ménages. Dans la ville de Zurich, par exemple, trouver un appartement à louer pour une famille en dessous de 4’000 francs mensuels est très compliqué. Bien que les salaires y soient environ 20% plus élevés qu’ailleurs dans le pays, ce montant reste tout de même hors de la portée de la plupart des consommateurs. Tandis qu’à Lausanne, le coût d’un logement similaire se situe à 3'000 francs. Toutes les offres en dessous de ces seuils sont évidemment très prisées.

«Ce n’est pas forcément la typologie de l’objet locatif qui prévaut,
mais la qualité de son emplacement.»
Est-ce que les loyers des biens locatifs vont continuer à baisser?

L.A.: Les zones en souffrance actuellement sont celles qui se trouvent dans les périphéries ou dans des régions isolées géographiquement. Concernant les locaux commerciaux, la demande restera forte pour toutes les surfaces – anciennes ou neuves – situées au centre-ville, car les professionnels auront toujours besoin d’une adresse prestigieuse.

Où faut-il investir en priorité dans les années à venir: les surfaces commerciales ou les logements habitables?

L.A.: Ce n’est pas forcément la typologie de l’objet locatif qui prévaut, mais la qualité de son emplacement. Concernant la rentabilité des investissements, avec le vieillissement de la population, le secteur des logements spécialisés pour seniors pourrait offrir de belles opportunités dans les années à venir.