Pour Marc Brütsch de Swiss Life, la banque nationale a une plus grande tolérance qu’en 2015. Les taux négatifs peuvent perdurer encore longtemps.
Cinq ans après l’abandon du taux plancher, l’économie helvétique a largement surmonté le choc suscité par la soudaine appréciation du franc suisse par rapport à l’euro en janvier 2015. Le taux de chômage est au plus bas et la croissance du produit intérieur brut (PIB) helvétique devrait atteindre 1,3% cette année pour se maintenir à 1,2% en 2021. Compte tenu du ralentissement observé l’an dernier en Allemagne, son principal partenaire économique, l’économie suisse d’exportations hésite entre expansion et récession. Le point avec Marc Brütsch, chef économiste chez Swiss Life Asset Managers qui a présenté mercredi ses perspectives pour l’exercice 2020.
En décembre, l’indice PMI est remonté au-dessus du seuil des 50 points pour la première fois depuis huit mois. On observe effectivement une certaine détente concernant l’évolution des entrées de commandes. Celle-ci s’explique, entre autres, par le fait que la crise dans l’industrie automobile en Allemagne a touché son point le plus bas. C’est une tendance positive mais qui doit être interprétée avec une certaine prudence.
supplémentaire et la production est relativement faible actuellement.»
D’une part, car le franc suisse s’est à nouveau apprécié au cours des derniers mois. D’autre part, parce que l’on voit que beaucoup d’entreprises n’engagent plus de personnel supplémentaire et que la production est relativement faible actuellement. Dans ce contexte, le principal risque est que les difficultés qui ont été limitées jusqu’ici à quelques secteurs - comme l’industrie MEM (machines, électronique et métaux) – finissent par contaminer d’autres branches d’activité comme les services ou le tourisme - ou affectent plus généralement les petites et moyennes entreprises (PME). Le fait que l’indice PMI se rapportant aux PME se situait en fin d’année encore en territoire négatif (ndlr: à 47,1 points en décembre) signale que tous les risques ne peuvent pas encore être écartés.
Le franc est actuellement un peu moins surévalué face à l’euro qu’il ne l’était il y a cinq ans, soit juste après l’abandon du taux plancher. Année après année, le franc s’apprécie en termes de parité de pouvoir d’achat. Son niveau neutre par rapport à l’euro peut être estimé aux alentours de 1,09 à 1,10 franc par euro. Cela signifie que la tolérance de la Banque nationale suisse (BNS) face à une éventuelle appréciation du franc par rapport à l’euro est devenue un peu plus grande. Jusqu’à 1,06 franc par euro, on peut s’attendre à ce que la BNS tolère une telle appréciation. En dessous de 1,05 franc par euro, les marchés anticipent que la banque centrale intervienne à nouveau.
les taux négatifs avant que la situation ne change du côté de l’Europe.»
Historiquement, nous avons toujours dit qu’il fallait envisager que les taux négatifs persistent longtemps. Je ne m’attends pas à ce que la BNS remette en question les taux négatifs avant que la situation ne change du côté de l’Europe.
Oui, je peux tout à fait m’imaginer que cela soit encore le cas dans cinq ans. Tant que la BCE ne remettra pas en question sa politique monétaire ultra-accommodante, je pense pas que la BNS va abandonner les taux négatifs. L’influence de la zone euro sur la politique de la BNS restera décisive au cours des prochaines années.
chances qu’il soit utilisé simplement pour économiser.»
Il est bien sûr difficile de prédire exactement à quoi pourraient ressembler ces mesures, qui varieront certainement d’un pays à un autre. Un exemple intéressant à observer actuellement est celui des Pays-Bas: le parlement néerlandais a accepté d’allouer 50 milliards d’euros à un fonds d’investissement qui servira à financer des projets orientés sur le long terme, dans la formation notamment. En Allemagne, je pense que des projets d’investissement, par exemple dans les infrastructures ou le domaine énergétique, en étant combinés au respect de certains objectifs climatiques, auraient de bonnes chances d’obtenir un soutien de la majorité. La thématique de l’environnement est populaire actuellement et les politiciens sont conscients qu’ils peuvent s’appuyer sur cette sensibilité pour faire accepter certains projets d’investissements.
Pour assurer son efficacité, il faudrait que deux conditions clés soient remplies: d’une part, que cet argent atteigne tout le monde et, d’autre part, que les gens le dépense ensuite effectivement. C’est ça qui rend cette politique compliquée à mettre en place: si vous versez la «monnaie hélicoptère» sous forme d’une hausse salariale, de 2% par exemple, vous n’atteignez que les gens qui ont déjà un emploi. Et si vous versez de l’argent à tout le monde, il y a de bonnes chances qu’il soit utilisé par beaucoup de gens simplement pour économiser et qu’il ne stimule ni l’économie, ni ne renforce l’inflation. C’est pourquoi il faudrait que le versement de cet argent soit conditionné à une échéance maximale pour son utilisation – par exemple de six mois. Sinon, une telle mesure perdrait une grande partie de son efficacité.