Les indicateurs de marché ne mentent jamais

Salima Barragan

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Lors des cycles de hausses de taux, la qualité des sociétés prend l’ascendant. Éclairage avec Amadeo Alentorn de Jupiter AM.

Les ventes agressives d’actions de la Silicon Valley Bank détenues par ses dirigeants ont mis la puce à l’oreille d’Amadeo Alentorn, gestionnaire d’un fonds Absolut Return chez Jupiter AM. Ces signes ne mentent jamais. Nous connaissons la fin de l’histoire: une débâcle retentissante sur le secteur bancaire. Il estime aussi que les indicateurs de marchés, tels que le sentiment et l’appétit au risque, demeurent plus fiables que des prévisions macroéconomiques. Entretien.

Quelles évolutions de marché attendez-vous au second semestre?

Nous sommes agnostiques aux prévisions. Notre travail consiste à prendre la température des marchés: le sentiment et la confiance. Selon ces métriques comportementales, les investisseurs européens et américains sont neutres. Seuls les Japonais gardent leur optimiste. Mais tous s’accordent sur un environnement plutôt risqué. Le sentiment s’est amélioré ces derniers mois, ce qui se reflète dans la récente trajectoire haussière des bourses. Cependant, cette performance n’est portée que par une poignée de très grandes capitalisations. Elle ne constitue pas une reprise boursière générale.

De plus, nous commençons à ressentir les effets du relèvement des taux d’intérêt sur la proportion de défauts de paiement des sociétés devant faire face à un régime plus contraignant.

Certains styles d’investissement semblent toutefois plus adéquats que d’autres, compte tenu du cycle économique actuel.

Une allocation à un fonds Market Neutral sera plus intéressante vis-à-vis d’un Long Short, car ces derniers sont en général plus longs que courts sur les actions.
Quel est le style le plus adéquat actuellement?

Les facteurs de valeur et de qualité ont pris l’ascendant. Nous portons une attention toute particulière à la qualité du management, telle que l’exposition personnelle des dirigeants au capital de la société. Notre portefeuille était vendeur sur les titres de SVB, car nous avions remarqué qu’en plus d’être onéreux, une quantité significative avait été revendue pas ses décideurs. Nous avons fermé cette position en mars lors de la chute de l’établissement. Ces signaux sont révélateurs.

La qualité constitue un élément fondamental durant un cycle de hausse des taux d’intérêt. Les entreprises ayant augmenté agressivement la part de leur dette souffriront lorsque le moment du refinancement sera venu.

Avez-vous identifié d’autres établissements aux activités suspectes?

Nous n’avons constaté aucune nouvelle transaction louche. Nous continuons à surveiller journalièrement les ventes de titres de milliers de sociétés afin de détecter les prochains SVB.

La décorrélation entre les actions et les obligations n’a pas tenu l’année passée. Les deux actifs ont chuté simultanément. Comment gérer ces phases de marché?

Bien que le portefeuille balancé traditionnel ait bien résisté durant la décennie, nous sommes remontés sur le siècle écoulé afin d’analyser ce phénomène. Nous avons observé lors de cet intervalle qu’un portefeuille balancé subit des pertes d’environ chaque 5 ans. Les investisseurs doivent diversifier leurs risques afin d’absorber ces chocs de marché. Nous avons calculé que l’inclusion d’un compartiment d’actifs alternatifs à hauteur de 25% réduit le risque global pour un rendement équivalent. En d’autres termes, il améliore la frontière efficiente du portefeuille.

À quels actifs alternatifs vous référez-vous?

Une allocation à un fonds Market Neutral sera plus intéressante vis-à-vis d’un Long Short, car ces derniers sont en général plus longs que courts sur les actions. Ils sont, de ce fait, très exposés au bêta du marché et lorsque les bourses chutent, ce type de stratégie a beaucoup de difficulté à battre le marché. Tandis qu’un Market Neutral n’a aucune corrélation avec les corrections. Enfin, un portefeuille de type Absolut Retun absorbera un choc baissier.   

Comment vous positionnez-vous?

Nous ne considérons pas seulement la valorisation des titres, mais aussi leur force financière. Une valeur bradée en raison de son risque intrinsèque n’équivaut pas une action bon marché parce qu’elle est négligée. Ces éléments influencent notre positionnement sectoriel. Nous sommes longs sur la santé parce que nous jugeons ce secteur attractif: les titres sont généralement défensifs et bon marché. Nous avons également un biais sur la technologie, mais nous excluons les méga capitalisations survalorisées. Les semiconducteurs sont actuellement intéressants.

En revanche, nous sommes vendeurs sur les financières, ainsi que sur les secteurs cycliques comme les matériels et l’énergie, ce qui a du sens dans le cas d’une récession.

Dans le cas d’une récession, dites-vous?

Cette affirmation ne découle pas d’une prédiction, mais notre système a mis en évidence des secteurs résilients. Ce qui nous semble parfaitement logique. En fin de compte, le comportement des investisseurs reste guidé par les anticipations économiques. Il est ainsi plus efficient de comprendre le comportement des investisseurs au détriment de prévisions macroéconomiques fastidieuses, sachant que les réactions de marchés sont difficilement anticipables. L’appétit au risque constitue un de nos indicateurs favoris; il est influencé par les évènements.

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