La récente correction est aussi une source d’opportunités

Yves Hulmann

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Andreas Wosol, spécialiste de l’investissement «value» chez Amundi, estime qu’il vaut la peine de s’intéresser à nouveau aux actions bancaires.

Après la correction survenue sur les marchés à la mi-octobre, les principaux indices boursiers mondiaux se sont stabilisés en novembre. Gérant de portefeuille spécialisé dans l’approche «value», Andreas Wosol, qui est Head of Multi Cap Value chez Amundi Asset Management, fait le point sur les marchés à l’orée de 2019. Il explique pourquoi la correction survenue sur les marchés en octobre est aussi une source d’opportunités pour les investisseurs à la recherche de titres sous-évalués.

Octobre a été marqué par une nouvelle correction importante des marchés. En tant qu’investisseur «value», pensez-vous qu’il faut investir maintenant plus prudemment ou au contraire acheter de nouvelles positions? 

La correction survenue à la mi-octobre s’inscrit dans la suite de développements, déjà perceptibles à partir de septembre, qui reflétaient un contexte d’incertitude croissant – non pas tellement à cause de la situation macro-économique proprement dite mais plutôt en raison de l’évolution politique. Depuis la crise financière, l’environnement économique a été toujours davantage influencé par la politique. D’abord, il y a eu l’action des banques centrales et leur impact sur les taux d’intérêt. S’y sont ajoutées depuis peu les mesures non conventionnelles du gouvernement américain qui ont conduit à ce que l’on appelle la «guerre commerciale». L’approche de Donald Trump consiste à d’abord taper très fort, puis à voir ce qui se passe ensuite. C’est quelque chose d’inhabituel pour les marchés et cela créée de l’instabilité. Les taxes douanières annoncées par les Etats-Unis s’inscrivent dans le contexte de forte rivalité avec la Chine. Il s’agit avant tout d’une démonstration de pouvoir – non pas seulement de rapports de force sur le plan économique.

«Il est vraisemblable que les tensions
entre les Etats-Unis et la Chine continuent de s’aggraver.»
Les résultats des élections de mi-mandat aux Etats-Unis ont-ils apporté davantage de stabilité ou au contraire rendu les choses encore moins prévisibles?

On peut établir deux scénarios. Le premier scénario serait caractérisé par un gouvernement divisé, ce qui rendrait le processus législatif plus difficile. Le deuxième scénario, plus constructif, serait que Donald Trump et les Démocrates élus à la Chambre des représentants se concentrent sur leurs points communs, par exemple en ce qui concerne les dépenses d’infrastructures. En revanche, le principal risque pour les marchés financiers – l’abandon du programme fiscal de Trump – apparaît très peu vraisemblable étant donné que les Démocrates ne disposent pas de majorités suffisantes pour exercer un veto. A l’avenir, Trump devra toutefois coopérer avec une Chambre des représentants dominée par les Démocrates. D’un autre côté, Trump garde toujours la compétence d’imposer des droits de douane. Cela signifie qu’il est vraisemblable que les tensions entre les Etats-Unis et la Chine, compte tenu de droits de douane supplémentaires imposés sur des marchandises chinoises pour 267 milliards de dollars, continuent de s’aggraver.

Et que cela signifie-t-il pour les actions?

Normalement, les actions restent faibles jusqu’aux élections de mi-mandat puis elles affichent une bonne performance par la suite. Nous nous attendons à ce que soit également le cas en 2019, même si les marchés des actions dépendront davantage de l’évolution des données fondamentales l’an prochain. Dans nos perspectives pour 2019, nous continuons d’être positifs pour les actions américaines. Nous accordons cependant davantage d’importance à la sélection des titres au regard d’un cycle économique et financier qui tend vers sa fin.

Une volatilité accrue, comme en octobre, a créé aussi des opportunités d’investissements, en particulier pour un fonds «value». A quels titres vous intéressez-vous? 

Comme c’est souvent le cas dans ce type de situations, les valeurs défensives sont en général recherchées lors de telles phases tandis que les valeurs de croissance souffrent davantage. Concernant la seconde catégorie, l’attention des médias s’est beaucoup portée récemment sur les sociétés technologiques, les fameuses FAANG (ndlr: Facebook, Apple, Amazon, Netflix, Google), alors que la plus grande partie des valeurs de croissance sont constituées par des entreprises «normales» qui évoluent en fonction la croissance de l’économie mondiale. Toutefois, l’idée que l’on puisse procéder à une forme de rotation – quasi mécanique – entre, d’un côté, les valeurs de croissance et, de l’autre, les valeurs défensives selon l’évolution des marchés est réductrice. Les processus d’ajustement sont nettement plus complexes.

«L’idée selon laquelle à partir de tel ou tel niveau de taux d’intérêt
il faudrait commencer à réduire ses positions en actions ne fonctionne pas.»
La correction de mi-octobre n’est-elle pas aussi à mettre en lien avec la rapide remontée des taux des emprunts d’Etat à dix ans aux Etats-Unis observée en septembre?

Bien sûr, le retour à une certaine normalité du niveau des taux entraîne un rééquilibrage sur les marchés. Dans ce cas, on assiste à une sorte de «resetting» des attentes des investisseurs. Pour autant, il faut bien garder à l’esprit qu’une hausse des taux d’intérêt de long terme reflète, en général, un environnement de croissance positif. Actuellement, il n’y a aucun signal que l’économie mondiale soit en train de glisser vers une récession – au contraire. Dans l’environnement économique actuel, la courbe des taux d’intérêt devrait être plus pentue. Pendant longtemps, les taux ont pu être maintenus à un niveau très bas grâce aux interventions des banques centrales. Maintenant, si l’on allie le fait que les banques centrales ont réduit leurs programmes d’achat d’obligations et que l’économie mondiale croît fortement, il est logique que les taux longs, typiquement à dix ans, remontent. Des taux d’intérêt en hausse, reflets d’une croissance positive, constituent généralement un cadre favorable pour les actions – non pas l’inverse. L’idée selon laquelle à partir de tel ou tel niveau de taux d’intérêt – par exemple 3,5 ou 4% pour les taux des emprunts d’Etat américains à dix ans – il faudrait commencer à réduire ses positions en actions ne fonctionne pas.

Y a-t-il eu cet automne une sur-réaction des marchés?

La récente correction résulte avant tout d’un cumul de plusieurs facteurs d’incertitude sur le plan politique, à la fois au niveau régional et global, qui ont conduit à une sur-réaction des marchés. D’un point de vue plus technique, la disparition des «trading book» au sein des banques a aussi contribué à renforcer la volatilité des actions. Il n’y a désormais plus que des vendeurs et des acheteurs - sans intermédiaires entre les deux parties -, ce qui conduit à de plus forts mouvements. Pour un investisseur «value», ce type de situations créée des opportunités de pouvoir acheter des titres sous-évalués, pouvant résulter soit de valorisations injustifiées, soit de déficits de perception des marchés.

Pratiquement, comment peut-on identifier ces situations?

L’approche value comporte elle-même différentes manières d’analyser la valeur d’une société. D’un côté, il y a les investisseurs «value» qui s’intéressent avant tout à l’aspect du prix: ils évaluent le prix relatif d’une société par rapport à son groupe de comparaison – à l’aide de différents critères tels que les ratios cours / bénéfices (PER) ou cours / valeur comptable (price / book), etc. – afin de déceler les sociétés les plus attrayantes de ce point de vue. Cette approche a cependant un point faible: en effet, si je ne regarde que le prix d’une société par rapport à d’autres, je ne sais toujours pas grand-chose sur la véritable valeur de l’entreprise.

«Nous observons à nouveau attentivement le secteur bancaire qui constitue
environ le tiers des positions de notre univers d’investissement «value» usuel.»
Comment la mesurer?

L’autre approche s’intéresse, elle, en particulier à la valeur intrinsèque. Celle-ci cherche à évaluer la valeur de tous les éléments qui constituent une entreprise, ainsi qu’à la «marge de sécurité». Lorsque le prix de marché est jugé inférieur à la valeur intrinsèque, la différence qui en résulte est appelée la «marge de sécurité». 

Sur la base de cette approche, dans quels secteurs trouve-t-on actuellement des sociétés sous-évaluées?

Notre recherche s’intéresse en grande partie aux valeurs cycliques: cela concerne à la fois les biens industriels, les biens de consommation ainsi que les matières premières ou la chimie. Il faut garder un large angle de vue. Actuellement, nous observons à nouveau attentivement le secteur bancaire qui constitue environ le tiers des positions de notre univers d’investissement «value» usuel (MSCI Europe Value). 

Pourquoi s’intéresser au secteur bancaire?

D’une part, en raison des évaluations globalement modestes affichées par de nombreux titres de ce secteur, en particulier en Europe. D’autre part, parce que les résultats des derniers tests de résistance («stress tests») publiés par l’Autorité bancaire européenne (ABE) sont une source d’information très intéressante. Les médias, la politique et l’attention du grand public s’intéressent le plus souvent aux aspects négatifs qui ressortent de ces tests: que se passerait-t-il si une nouvelle crise survient? Pourtant, ils fournissent aussi souvent des indications intéressantes sur certains aspects positifs, par exemple les progrès réalisés dans certains domaines. Ces indications peuvent servir à réévaluer l’«investment case» d’un établissement bancaire. Enfin, nous nous intéressons aussi aux situations spéciales qui concernent des entreprises indépendamment de leur secteur d’activité – y compris dans le secteur des biens de consommation non cycliques («consumer staples»). Il s’agit d’un domaine d’activité généralement stable qui présente des perspectives intéressantes pour des investisseurs orientés à long terme, à condition d’investir au bon moment.

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