La performance n’est pas une question de taille

Yves Hulmann

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Selon André Rüegg, le directeur de Bellevue Group, il est possible de rivaliser avec les grands gérants d’actifs en restant concentré sur des segments précis.

© Keystone

Institut avec un profil très spécifique au sein de la place financière helvétique, Bellevue Group a réalisé en 2017 un bénéfice après impôts de 21,5 millions de francs, contre une perte de 0,7 million un an plus tôt. Les actifs sous gestion ont dépassé le seuil des 12 milliards de francs, soutenus par des afflux d’argent frais à hauteur de 1,3 milliard. Le gestionnaire de fortune et d’actifs a largement recentré ses activités l’an dernier, en abandonnant notamment celles liées au courtage et de finance d’entreprises. Si la gestion d’actifs (Bellevue Asset Management), qui compte dans sa gamme les fonds Adamant et BB Biotech, reste le principal pilier pour le groupe, l’établissement mise aussi sur le développement de la gestion de fortune active regroupée sous la marque Bank am Bellevue. Entretien avec André Rüegg, directeur de Bellevue Group.

Lors de la présentation des résultats de Bellevue Group pour l’exercice 2017, vous avez souligné que Bank am Bellevue, la division de gestion de fortune, n’avait pas pour mission d’être une plateforme de distribution des fonds gérés par l’unité de gestion d’actifs. Quel est le profil de vos clients dans l’activité de gestion de fortune?

Nous voulons continuer développer nos relations avec la clientèle suisse, qui représente la moitié de nos clients, tout en continuant de développer un portefeuille de clients provenant de l’étranger. Ceux-ci proviennent essentiellement d’Europe du Nord, en grande partie de Grande-Bretagne et de Scandinavie. Nous comptons de nombreux clients provenant de Suède ou de Finlande qui sont souvent des entrepreneurs ou des ex-entrepreneurs. Qu’il s’agisse des activités de gestion de fortune ou de gestion d’actifs, notre approche reste toujours la même : nous voulons nous concentrer sur les choses que nous comprenons et que nous savons faire. Dans la gestion de fortune, nous assurons nous-mêmes certaines prestations et nous allons chercher les autres auprès de tiers. Nous n’avons pas une approche exclusive. En ce sens, nous agissons un peu comme des gérants de fortune indépendants, tout en ayant les avantages d’avoir une licence bancaire.

Quels sont-ils?

Le fait d’avoir une licence bancaire fournit une plus grande solidité, garantit une surveillance réglementaire plus prononcée, que ce soit en raison des contrôles de la Finma ou de ceux réalisés à l’interne.

Dans la gestion d’actifs, Bellevue Asset Management est avant tout spécialisé dans les domaines de la pharma et des biotech, à quoi s’ajoutent des fonds régionaux, notamment consacrés à l’Afrique, et ceux dédiés à l’entrepreneuriat. En tant qu’acteur de niche, est-il possible de rivaliser dans le domaine de la pharma avec les grands gérants de fonds qui disposent de ressources beaucoup plus importantes en matière d’analyse?

Le nombre de nos concurrents varie selon nos domaines de spécialisation. En ce qui concerne l’Afrique, notre fonds n’a qu’une dizaine de concurrents tandis que dans le domaine de la biotech, il en existe plus d’une trentaine. En définitive, quel que soit le nombre de vos concurrents sur un segment, vous devez fournir une meilleure performance. Je ne pense pas que la qualité de la performance soit une question de taille seulement. Prenez la gamme de fonds Adamant, ceux-ci comptent parmi les meilleures de leur domaine et leur expertise est reconnue bien au-delà du marché suisse.

Les clients sont-ils encore suffisamment disposés à payer pour des fonds actifs, alors que les produits indiciels ETF, à plus faibles coûts, se développent dans toutes sortes de domaines?

L’univers des ETF n’a cessé de progresser et va certainement continuer de croître, aussi parce que, par le passé, de nombreux gérants actifs n’ont pas réussi à battre leurs indices de référence. Je crois toutefois qu’il est possible de conserver une place sur le marché en proposant des offres de produits hautement spécialisés. Tant que les marchés étaient orientés à la hausse, il était facile de participer à ce mouvement en achetant des produits indiciels. Si la volatilité augmente, ce sera plus difficile. De même, si les marchés devaient évoluer de manière latérale durant plusieurs mois, les investisseurs en ETF ne gagneraient pas grand-chose. Bien entendu, les émetteurs d’ETF adapteront aussi leur offre en proposant de nouveaux produits indiciels tenant compte de cette situation, par exemple avec des instruments poursuivant des approches de type smart beta et des autres concepts innovants, en sélectionnant des titres à hauts dividendes, etc.

Si les investisseurs adoptent une stratégie plus prudente, comment les convaincre de continuer à investir dans des secteurs comme les biotechnologies? Ne vont-ils pas se replier sur des valeurs défensives?

A mes yeux, la fête de croissance est finie en ce qui concerne les grandes capitalisations de la bourse suisse comme Novartis ou Nestlé. Plus généralement, lorsque l’on achète tout l’indice, que ce soit via des fonds ou des ETF, il faut garder à l’esprit qu’un indice reflète avant tout la performance passée. Regardez par exemple la composition les poids lourds de l’indice S&P 500 d’il y a vingt ans avec celle que l’on observe aujourd’hui. Ou sont passés les General Electric ou Philipp Morris qui dominaient au sein de l’indice jusque durant les années 1990? Aujourd’hui, ce sont Apple ou Google qui pèsent le plus lourd dans ces indices. En d’autres termes, en misant sur un indice aujourd’hui, vous achetez seulement les succès du passé – pas ceux de l’avenir.

Comment faut-il alors investir?

Prenez l’exemple du secteur pharmaceutique, notre équipe de gérants a élaboré son propre indice appelé «Adamant Global Healthcare Index». Celui-ci comprend plus de sociétés biotech que d’entreprises pharma classiques, justement afin d’éviter les biais d’indices comme le MSCI Healthcare, dominé avant tout par les poids lourds de l’industrie pharmaceutique, et pour mettre l’accent en faveur des entreprises affichant une croissance supérieure.

Si l’on revient à vos résultats de l’an dernier, les afflux nets d’argent frais de 1,3 milliard de francs correspondent à un taux de croissance de 11,5%. Est-ce un cas exceptionnel ou votre nouvel objectif à atteindre?

Nous maintenons notre objectif d’un taux de croissance de 5 à 10%. Pour un institut de petite taille comme le nôtre, les variations peuvent être plus marquées d’un exercice à l’autre que pour des grands établissements. Mais cette fourchette reste valable.

 

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