L’environnement influence toujours plus les prix de l’immobilier de luxe

Yves Hulmann

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Pour Christian Gattiker de Julius Baer, l’évolution des prix des biens de luxe est un paramètre important pour l’activité de gestion de fortune.

Comment mesurer le prix des biens et des services de luxe? Le rapport «Global Wealth and Lifestyle Report 2020», qui observe les grandes tendances en matière de biens et services haut gamme inclus dans l’indice Julius Baer Lifestyle Index couvrant 28 villes à travers le monde, fournit une vue d’ensemble de ce marché très spécifique. S’agissant de la Suisse, Zurich figure au neuvième rang des villes les plus chères dans le monde pour les biens de luxe, dans un classement largement dominé par l’Asie, où Hongkong, Shanghai et Tokyo occupent les trois premiers rangs. Londres, la ville la plus chère d’Europe, n’y figure qu’en septième place. Le rapport livre aussi des informations sur les grandes tendances observées dans le domaine des biens et services haut de gamme, y compris la sensibilité des consommateurs aux aspects environnementaux et sociaux. Entretien avec Christian Gattiker, directeur des investissements chez Julius Baer, qui a présenté les résultats de l’étude publiée à la mi-janvier.

Le «Global Wealth and Lifestyle Report 2020» mesure les tendances des prix des biens et services qui sont consommés par les gens décrits comme des «affluent individuals» par l’étude. Ces personnes disposent-elles du même pouvoir d’achat dans des villes traditionnellement chères, telles que Londres, Zurich ou Hongkong, que dans les capitales de pays émergents à l’exemple de Jakarta, Manille ou Bombay?

Le critère retenu pour définir les personnes qui font partie des individus fortunés ou non est toujours relatif aux revenus moyens de la population de chaque pays. Quelle que soit la région du monde qui est prise en considération, on peut les définir comme les personnes qui font partie de la classe moyenne supérieure ou davantage. S’agissant maintenant des biens et des services qui entrent dans le panier des produits et services considérés comme étant de luxe, il peut y avoir de grandes variations selon les régions du monde. Ainsi, en Asie et au Moyen-Orient, un banquet de mariage est considéré comme une dépense de luxe. C’est beaucoup moins le cas en Europe et aux Etats-Unis. A l’inverse, en Europe, l’achat de son propre logement entre rapidement dans le cadre des dépenses de luxe dès que l’on s’approche des grands centres urbains. Aux Etats-Unis, ce moins le cas, car environ 70% des Américains sont propriétaires de leur propre logement. C’est plutôt la qualité du bien immobilier qui fera que sera considéré comme un bien de luxe ou non.

Les Européens, en particulier, partent du principe que les biens, même ordinaires,
sont de toute façon déjà soumis à une réglementation stricte.
Pour les entreprises actives dans le luxe, quels peuvent être les enseignements de ce rapport?

Tout dépend de la stratégie poursuivie par ces entreprises. D’un côté, il y a certains groupes, comme LVMH ou Kering, qui ont une stratégie basée à la fois sur la marque ainsi que sur la rareté de leurs produits. LVMH produit une quantité limitée de ses bouteilles de champagne, ce qui n’est pas le cas, par exemple, de Prosecco qui n’organise pas une telle rareté. De l’autre, il y a des marques comme Nike ou Adidas qui n’essaient pas d’organiser une telle rareté – elles misent plutôt sur un luxe plus accessible pour une large partie de la population. Ces marques ne vendent pas un nombre limité d’articles mais obtiennent suffisamment de revenus grâce à la masse des produits vendus.

Le rapport aborde aussi la question de la consommation dite «consciente», qui tient compte des aspects de durabilité dans le domaine du luxe. Une conclusion plutôt surprenante du rapport est que les Européens et les Américains sont moins enclins à accepter de payer une prime pour des biens produits de manière responsable que les clients d’Asie et d’Amérique latine. Comment l’expliquer?

Les Européens, en particulier, partent du principe que les biens, même ordinaires, sont de toute façon déjà soumis à une réglementation stricte. La durabilité est perçue comme un aspect «standard». Les Américains, eux, se répartissent entre deux sensibilités que l’on pourrait, schématiquement, répartir entre, d’un côté, les consommateurs faisant partie de l’électorat républicain ou conservateur et, de l’autre, ceux des grandes villes des côtes est et ouest qui sont finalement très proches des Européens.

Intégrer les aspects liés à la durabilité n’est-il pas aussi devenu une forme de luxe. Dans la mobilité, les constructeurs allemands de voitures haut de gamme, par exemple, mettent toujours plus en évidence leur offre de véhicules électriques?

En Allemagne, la tendance à proposer toujours plus de véhicules électriques dans l’offre de voitures haut de gamme est aussi largement influencée par la réglementation. Mais, de fait, les aspects de durabilité sont effectivement toujours davantage pris en compte par les fabricants de produits de luxe.

En Suisse, la hausse des prix de l’immobilier a été la plus forte
dans le domaine des immeubles de rendement.
S’agissant de l’immobilier, six des dix grandes villes où l’immobilier de luxe est le plus cher se situent en Asie. En Europe, seule Londres en fait partie. Comment expliquer que Zurich - neuvième ville la plus chère pour les biens et services de luxe dans leur ensemble - n’apparaissent finalement pas dans le « top 10 » en ce qui concerne l’immobilier dans ce classement?

En Suisse, la hausse des prix de l’immobilier a été la plus forte dans le domaine des immeubles de rendement. Si la spéculation a été importante durant la dernière décennie, c’est surtout dans ce segment-là. Concernant le marché des propriétés résidentielles, Zurich - tout comme Paris, Francfort ou Vienne en Europe - est un marché qui a atteint son pic. Cela ne veut pas pour autant dire que les prix vont baisser ou augmenter.

Comment se comparerait Genève par rapport à Zurich selon ces critères?

Malheureusement, le rapport n’inclut qu’une seule ville par pays. En Suisse, c’est le cas de Zurich seulement.

L’immobilier est aussi un domaine où les critères liés à durabilité gagnent en importance. Que faut-il en attendre?

La tendance dite du «green building» est un aspect qui compte toujours plus dans l’évaluation des biens immobiliers. Une maison qui dispose du label Minergie, par exemple, vaut aujourd’hui davantage sur le marché qu’un objet immobilier similaire qui n’en bénéficie pas.

Pour un gérant de fortune, quelle est l’utilité pratique d’un tel rapport?

L’évolution des prix des biens et des services de luxe est une composante importante de la fortune des clients. C’est précisément le cas concernant celle se rapportant aux prix des biens immobiliers. C’est donc aussi un paramètre important à intégrer dans la gestion de fortune.