Investissements en actifs digitaux

Nicolette de Joncaire

2 minutes de lecture

L1 Digital applique son expérience de la gestion alternative aux gérants crypto et blockchain. Entretien avec Philipp Cottier.

Il y a un an à peine, Dr. Philipp Cottier et son équipe (venue de Harcourt Investment Consulting repris par Vontobel en 2006) fondaient L1 Digital SA à Zurich. Son expertise s’est d’abord construite dans la gestion alternative et plus précisément dans les fonds de hedge funds où Harcourt gérait plus de 6 milliards de francs.  Dès 2015, Philipp Cottier s’est intéressé à la blockchain et depuis octobre dernier, il se dédie entièrement au conseil et à la sélection de fonds investis dans les actifs crypto et la blockchain. Entretien.

Vos convictions sur l’avenir de la blockchain sont-elles fortes?

Très fortes. Et je ne suis ni le seul, ni le premier à être persuadé que cette technologie va bouleverser les modèles d’affaires centralisés d’une bonne partie des sociétés contemporaines, faisant évoluer leurs industries vers de nouveaux principes de réseaux sécurisés et décentralisés. On peut citer par exemple des nouvelles monnaies décentralisées telles que Libra ou d’autres jetons de paiement; des bourses décentralisées ; des réseaux sociaux décentralisés tels que Telegram ou Brave; la traçabilité dans la gestion logistique; des «microtokens» comme base de gestion des réseaux IoT (Internet of Things); des blockchains spécifiques dédiées aux smart contracts, à la musique ou aux jeux électroniques. L’opérateur de la bourse suisse, SIX, emploie une quarantaine de personnes sur la tokenisation de leurs actifs! Dans cinq à dix ans, le tri sera fait et une dizaine de blockchains domineront le marché depuis les paiements jusqu’au marché de certificats d’énergie renouvelable. La majorité des blockchains de base (Layer 1) passera du «Proof of Work» au «Proof of Stake», ce qui résoudra la problématique de la consommation d’énergie. Il existe déjà environ 200 bourses où les actifs crypto peuvent être négociés dont une bonne vingtaine de taille raisonnable. Sans compter les contrats à terme d’ores et déjà disponibles sur le CME, sur BitMEX ou encore bientôt sur Bakkt.

Il existe une grande asymétrie de la connaissance
entre gérants spécialisés et le reste du marché.
L’univers de la blockchain est déjà très complexe. Comment l’abordez-vous?

Pour mieux l’aborder, nous faisons référence à six catégories: les protocoles de la couche de base ou «Layer 1», les technologies de la couche secondaire ou «Layer 2», les applications décentralisées, la tokenisation d‘actifs, les blockchains privées contrôlées par des gouvernements ou des entreprises, puis enfin les services et l’infrastructure du secteur. Il y a donc plusieurs types d’actifs digitaux dont l’utilité diffère.

Existe-t-il déjà suffisamment de véhicules investis dans les actifs crypto pour construire un fonds de fonds pertinent?

L’univers des véhicules de placement est largement suffisant. Il compte environ 750 fonds crypto et blockchain à l’heure actuelle, situés essentiellement aux Etats-Unis et en Asie, focalisés sur un marché de l’ordre de 300 milliards de dollars comptant plus de 10'000 actifs digitaux ou «token». Cet univers présente par ailleurs des similarités avec les hedge funds des années 1990 dans la mesure où ces fonds sont peu connus et difficiles à identifier. Beaucoup ont été créés par des spécialistes venus de la tech et des sciences mathématiques, et non de la finance. Certains – souvent très sophistiqués – ont connu un tel succès qu’ils sont dorénavant fermés aux nouveaux investisseurs. C’est là que réside notre valeur ajoutée qui permet de fournir un accès aux investisseurs suisses car, comme c’était le cas pour les hedge funds il y a vingt ans, il existe une grande asymétrie de la connaissance entre gérants spécialisés et le reste du marché.

Qu’offrez-vous plus précisément?

Nous sommes conseillers d’un fonds multi-manager de niveau institutionnel à liquidité trimestrielle établi au Liechtenstein et investi dans une douzaine de ce que le fonds juge être les meilleurs portefeuilles de crypto et de blockchain à l’échelle mondiale, sélectionnés sur la base d’une analyse approfondie de 150 des 750 fonds recensés. A terme, le fonds vise une quinzaine de positions, réparties entre actifs digitaux liquides et technologies émergentes. Les stratégies que poursuit le fonds sont de type SAFT1, liquid VC, long/short, arbitrage, market making, et trend-following.

Le véhicule a également une position
dans un fonds chinois et deux autres en Europe.
Au vu des positions, la plupart des managers sont aux Etats-Unis, assez bien répartis entre côte ouest et est.

Les gérants sont largement établis dans la Silicon Valley et à New York ce qui ne surprendra personne mais le véhicule a également une position dans un fonds chinois et deux autres en Europe.

Alors que le bitcoin s’est montré très volatile, vous dites possible d’atteindre un profil de rendements stable.

Investi principalement sur les protocoles des couches de base et secondaire ainsi que dans les applications décentralisées, le fonds n’a effectivement pas subi la volatilité du bitcoin grâce à des stratégies qui saisissent les hausses, amortissent les baisses et offrent une faible corrélation aux principales cryptodevises.  

Quelle est la nature des investisseurs?

Essentiellement des family offices, des personnes très fortunées et des entrepreneurs du secteur, des gérants indépendants et quelques banques. A terme, nous pensons également que les investisseurs institutionnels commenceront à intégrer cette nouvelle classe d’actifs dans leur portefeuille. En outre, il est important de noter que ce type de véhicule s’adresse uniquement aux investisseurs qualifiés.

 

     1 SAFT (Simple Agreement for Future Tokens) est un contrat d'investissement offert par des développeurs de cryptologie aux investisseurs accrédités dont l’objectif est de capitaliser sur l’innovation du protocole sous-jacent dès l’émission de son token.