Helvetia mise sur les synergies avec des start-up

Yves Hulmann

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Martin Tschopp, responsable du développement, souligne l’importance des nouveaux projets pour le groupe.

 

Vendredi, le groupe d’assurances Helvetia a annoncé avoir investi via son fonds de capital-risque dans la start-up zurichoise flatfox spécialisée dans la numérisation des processus de location d’immeubles résidentiels via sa plateforme. L’investissement est effectué conjointement avec la société immobilière Investis ainsi qu’avec Ringier Digital Ventures.

L’assureur n’en est pas à son coup d’essai en matière d’investissements dans des start-up, qu’elles soient actives dans l’assurance ou dans d’autres services. En mai, le groupe a présenté son concept d’«écosystème d’affaires» axé autour des prestations liées à l’habitat («Home»). Partant d’un besoin spécifique de la clientèle, l’idée est de fournir aux clients d’une panoplie de services qui s’y rapportent. Cette approche est déjà utilisée par le groupe dans le domaine des hypothèques et de l’immobilier, avec comme fer de lance les services proposés par sa filiale MoneyPark, un courtier en ligne spécialisé dans le conseil en matière d’hypothèques.

La collaboration et les investissements dans des start-ups
fait partie de la stratégie de développement de l’assureur.

Les développements mis en place par Helvetia dans le cadre de son écosystème d’affaires «Home» incluent aussi des prises de participations dans des start-up, notamment via le fonds Helvetia Venture Fund, ou encore le développement à l’interne de projets dans le cadre d’un incubateur (Corporate Incubation) de l’assureur. Parmi ceux-ci figurent par exemple mitipi, une start-up qui a élaboré un concept d’habitant virtuel visant à donner l’impression qu’un logement est habité. Ou encore Helfy, un projet qui veut simplifier les processus dans la gestion des biens immobiliers. Dans l’assurance, le groupe a aussi investi dans la start-up «insurTech» estonienne INZMO, qui propose un processus d’assurance entièrement numérisé couvrant toutes les étapes, de la souscription à la déclaration de sinistres. S’y ajoute la participation dans la start-up zurichoise PriceHubble, qui permet d’évaluer de manière automatisée la valeur d’un bien immobilier, ou encore dans la jeune pousse Homebell, une plateforme de marché en ligne pour les travaux de rénovation. Martin Tschopp, responsable du développement de l’entreprise chez Helvetia, explique pourquoi la collaboration et les investissements dans des start-ups fait partie de la stratégie de développement de l’assureur.

Helvetia investit à tour de bras dans différentes start-up. Quels services ou produits peuvent être mieux développés à l’externe qu’à l’interne?

On doit faire les deux choses à la fois. Développer des projets à l’externe comporte à la fois des avantages et des inconvénients. Le principe de base qui prévaut est que plus des projets et des activités se rapprochent du cœur de métier d’une entreprise, plus vous devez les développer à l’interne. Toutefois, la limite entre un développement externe et interne n’est pas toujours aussi claire : si l’on prend l’exemple de notre plateforme de conseil en ligne appelée Flexperto, la technologie provient de l’extérieur mais pour le client, le service est perçu comme provenant de l’intérieur de l’entreprise. Dans le cas du courtier en ligne, MoneyPark reste une société autonome car l’indépendance est un aspect essentiel de son modèle d’affaires centré sur le conseil hypothécaire.

Cet exemple signifie-t-il que les start-up dans lesquelles vous investissez vont à terme faire partie d’Helvetia?

Non, pas nécessairement. Les participations dans ces start-up sont importantes car elles assurent une fonction de pont avec certaines de nos autres activités. Mais, encore une fois, plus une activité est proche de notre cœur de métier, comme par exemple l’assurance de choses (ou la prévoyance professionnelle), plus elle sera gérée et commercialisée sous la marque Helvetia.

Qu’en est-il de flatfox – l’idée est-elle d’intégrer à terme la start-up au sein du groupe ou simplement de développer certaines collaborations avec celle-ci?

flatfox est une start-up zurichoise qui permet aux particuliers ainsi qu’aux gérances professionnelles de numériser le processus de location d’immeubles résidentiels via sa plateforme. La communication entre les annonceurs et les futurs locataires est simplifiée, structurée et reliée aux systèmes existants. Du traitement de toutes les demandes à la sélection du locataire, l’ensemble des processus se déroule en ligne ou via l’application dans le Messenger de flatfox. Elle est un élément clé de l'écosystème d’affaires «Home». La coopération est soulignée par une participation des fonds.

«La décision d’investir dans des start-up ou de collaborer
avec celles-ci s’inscrit dans la stratégie 20.20 d’Helvetia.»
La décision de mettre en place un «écosystème d’affaires» – qui mise sur l’interaction entre les développements à l’intérieur de l’entreprise et des collaborations avec des start-up externes – a-t-elle fait l’objet d’une longue planification à l’avance où s’est-elle simplement imposée au fur et à mesure des contacts noués entre Helvetia et certaines start-up?

Helvetia est une entreprise qui a plus de 160 ans d’histoire et qui continuera bien sûr, d’une part, de développer les activités innovantes liées à cœur de métier de l’assurance. D’autre part, un groupe comme le nôtre a besoin de nouvelles forces afin de pouvoir poursuivre son développement, non seulement dans l’assurance mais aussi dans des activités qui ont un lien avec ce secteur – comme l’habitat par exemple. La décision d’investir dans des start-up ou de collaborer avec celles-ci a été mûrement réfléchie et elle s’inscrit dans la stratégie 20.20 d’Helvetia.

Helvetia poursuit simultanément trois initiatives différentes: un incubateur interne (Corporate Incubation), un fonds d’investissement de capital-risque (Helvetia Venture Fund), à quoi s’ajoutent plusieurs autres coopérations. Quel sont leurs buts respectifs?

Chacune de ces structures répond à la manière de fonctionner actuellement dans toutes sortes d’autres branches. Aujourd’hui, une entreprise active dans l’automobile, par exemple, recourt à toutes sortes de prestataires externes. Sa chaîne de valeur repose sur l’intervention de toutes sortes de fournisseurs externes. Un groupe automobile ne fabrique pas lui-même ni les sièges, ni les composants électroniques, ni même les boîtes à vitesse. Le secteur de l’assurance est, lui, encore loin d’un tel degré d’externalisation mais il tend néanmoins à sous-traiter toujours davantage certaines tâches et collabore davantage avec des prestataires externes.

Quel est la fonction spécifique de chacune de ces trois initiatives?

S’agissant de l’incubateur d’entreprise (Corporate Incubation), l’idée est qu’il permette de développer des projets en les bâtissant sur les compétences internes du groupe. Le projet Helfy a, par exemple, été créé à partir de cette structure. En matière de capital-risque, nous agissons avant tout comme des investisseurs. Sur la base de environnement 700 projets présentés dès le début de 2017, nous faisons le tri parmi 40 dossiers par mois en moyenne. Le Helvetia Venture Fund sélectionne des start-up actives dans certains domaines qui nous intéressent. Si nous avons pour objectif d’augmenter la valeur des placements effectués, cette approche contribue aussi à la diversification de nos activités et elle nous permet d’apprendre beaucoup de choses qui se passent dans des domaines qui nous intéressent – pas seulement dans l’assurance à proprement parler.

«Il vaut la peine de s’intéresser à la mobilité sous toutes ses formes.
C’est pourquoi le fonds a pris une participation minoritaire dans Volocopter.»
Concernant les projets dans lesquels Helvetia Venture Fund a investi, certaines start-up sont très proches de votre activité de base – à l’exemple d’INZMO –, d’autres ont un lien indirect - comme PriceHubble et Homebell – via l’immobilier. En revanche, l’investissement dans Volocopter, une start-up allemande spécialisée dans les véhicules à décollage vertical, est quand même assez éloigné de votre cœur de métier. Pourquoi s’y intéresser?

A première vue, Volocopter peut paraître relativement éloigné de notre métier de base. Mais si nous voulons développer nos compétences autour d’un deuxième thème clé comme la mobilité – à côté du thème de l’habitat –, il vaut la peine de s’intéresser à la mobilité sous toutes ses formes. C’est pourquoi le fonds a pris une participation minoritaire dans cette start-up.

A l’inverse, si l’on prend le cas de INZMO, cette start-up a élaboré des solutions dans un domaine très proche de votre cœur de métier. Ne craignez-vous pas un risque de «cannibalisation» de vos activités d’assurance traditionnelles?

Le principe qui prévaut pour une entreprise établie est qu’il vaut mieux se cannibaliser soi-même plutôt que d’attendre que ce soit les autres qui le fassent ! Dans l’assurance, comme dans d’autres domaines, une partie de la clientèle va continuer de vouloir bénéficier de prestations avec l’appui de conseil personnalisé – selon une approche de type «business to consumer» (B2C) – alors qu’une autre partie des clients y souscriront tout en ligne. Les solutions proposées par INZMO – de type «business to business» (B2B) – répondront à cette demande. Nous devons avoir une approche multicanaux pour répondre aux différents besoins de la clientèle. Nos clients se répartissent en trois catégories: premièrement, ceux qui sont hors ligne, qui ont un contact avec un conseiller. Deuxièmement, les clients de type hybride, qui alternent entre prestations en ligne et hors ligne. Troisièmement, les clients entièrement numériques qui n’ont jamais mis un pied dans une agence. En plus du conseil traditionnel, il faut désormais proposer aux clients les «applis» adéquates, du conseil par vidéo en ligne ou via des chats, etc. Notre défi est d’anticiper correctement l’évolution des comportements des clients et d’y répondre avec les bons instruments, et au bon moment.