Enquête sur la richesse

Anna Aznaour

2 minutes de lecture

Entretien avec Liam Bailey, auteur de l’étude annuelle sur l’état de la fortune mondiale de Knight Frank.

 

Depuis douze ans, Liam Bailey dirige l’étude annuelle sur l’état de la richesse mondiale au sein de l’entreprise Knight Frank. Il y a sept ans, ce spécialiste britannique de l’immobilier s’est allié à Naef Prestige, son homologue suisse, pour une étude approfondie du marché helvétique. Présenté ce mardi, le rapport 2017 dévoile une année charnière pour le monde. Rythmée par le vent d’incertitude due au Brexit, à l’arrivée au pouvoir des nouveaux présidents en France et aux Etats-Unis, et aux tensions politiques dans la zone euro, l’économie mondiale reprend pourtant du souffle, d’après cette étude. Ainsi, le nombre de fortunés dont le patrimoine dépasse les 50 millions de dollars a progressé de 10%. La Suisse demeure le pays de choix pour près de 5% de cette population qui a augmenté de plus de 25% dans le pays durant l’année écoulée. Pour honorer sa 6e place au classement des villes les plus chères au monde, Genève a par ailleurs vu croître de 7% les transactions sur ses biens immobiliers dépassant les 4 millions de francs.

Où trouvez-vous les données de vos rapports sur les richesses du monde?

Le point de départ de notre démarche est de comprendre où se fait l’argent et où vivent les personnes fortunées. Et nous avons accès à ces données grâce aux divers partenariats à travers le monde. Par exemple, pour le rapport 2017, nous avons travaillé avec la compagnie Wealth-X, spécialisée dans l’étude des marchés. D’autres partenaires, comme la Banque des règlements internationaux (BRI), nous informent des mouvements de capitaux dans le monde entier.

Combien de personnes œuvrent sur ce rapport et quelle est sa méthodologie?

Notre équipe est composée d’une dizaine de professionnels. La méthodologie, elle, se fonde sur les réponses de quelque 500 professionnels de la finance et de l’immobilier que nous récoltons par le biais de notre questionnaire en ligne. Nous croisons ensuite ces informations obtenues avec les données de notre Indice PIRI*, qui évalue les performances des 100 marchés mondiaux. Et finalement, les interviews, de 20 individus fortunés permettent de corroborer nos analyses.

«Nous choisissons des gens qui ont une expérience
de dix ans ou plus sur le marché en question.»
Que faites-vous pour trouver des données fiables dans des pays qui en manquent?

Effectivement, il y a des pays qui ont des lacunes au niveau des données officielles, et dans ces contrées, nous construisons des réseaux de professionnels qui travaillent dans les domaines qui nous intéressent. Ce sont eux qui nous fournissent les informations sur les évolutions de leur marché local.

Comment vérifiez-vous la véracité de ces informations provenant finalement de sources non officielles?

Nous choisissons des gens qui ont une expérience de dix ans ou plus sur le marché en question. Et ensuite, nous examinons leur méthodologie de récolte d’informations en recoupant les renseignements rapportés avec d’autres sources locales. Par exemple, la hausse ou la baisse des prix de l’immobilier dans des quartiers résidentiels durant l’année en cours permettent de prendre la température des mouvements sur le marché local.

En 2017, les investissements dans l’art ont bondi de 21%. Pourquoi, d’après-vous?

L’Art a toujours eu les faveurs des collectionneurs fortunés. Depuis 2008, l’intérêt pour ce secteur a pris de l’ampleur, car les investisseurs se sentaient moins confiants dans les actifs que différentes compagnies leur proposaient. Et ce d’autant plus que les actifs se valent tous, ou presque. Alors, la clientèle s’est tournée vers des valeurs uniques dont la rareté a comme effet de garantir sa performance économique, par exemple le tableau Salvador Mundi de Léonard de Vinci, acquis pour 450 millions de dollars. Ce type d’achat procure par ailleurs un grand plaisir à son propriétaire de par le fait qu’il lui offre la possibilité de piloter son investissement tout seul, et donc d’en avoir le contrôle absolu.

«La principale force du marché helvétique
est la sécurité dont jouit ce pays.»
Concernant les investissements en Suisse, quelles sont les forces et les faiblesses de notre marché?

La principale force du marché helvétique est la sécurité dont jouit ce pays. Arrivent ensuite la grande qualité de son offre d’immobilier de luxe et celle de ses établissements d’enseignement. Pour ce qui concerne les faiblesses, elles sont deux: la première est le taux du franc, qui reste élevé, et la seconde se rapporte à ses conditions d’acquisitions immobilières, à savoir, pour devenir propriétaire en Suisse, il faut y être domicilié. Cette règle et le franc fort défavorisent considérablement la Suisse par rapport au Royaume-Uni qui connaît un vrai boom immobilier.

Même avec l’incertitude engendrée par le Brexit?

Oui, parce que les prix à Londres ont baissé de 10%. Non, pas à cause du Brexit, mais grâce aux nouvelles dispositions fiscales du gouvernement, qui a réduit le taux d’imposition des sociétés ainsi que ses taxes douanières.

Et vous, Liam Bailey, dans quoi investissez-vous?

Ma réponse va être d’une banalité affligeante à la britannique: dans l’immobilier à Londres ! Avec les prix actuels, de 10 à 15% moins chers, c’est le moment à ne pas laisser passer.

* Index PIRI – Prime International Residential Index