Des fonds propres supplémentaires ne peuvent pas à eux seuls empêcher une crise

Yves Hulmann

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Roman Studer, CEO de l’ASB, juge d’autres mesures comme le public liquidity backstop ou un régime approprié en matière de responsabilité plus prometteuses pour renforcer les banques.

©Keystone

 

Malgré une année 2023 marquée par la reprise forcée de Credit Suisse par UBS, la place financière helvétiques est parvenue à retrouver rapidement sa stabilité, a estimé SwissBanking mardi dans un communiqué. Reste que l’effondrement de la deuxième banque helvétique au début de 2023 continue de susciter de nombreux débats, notamment en ce qui concerne la mise en place des mesures les plus adaptées pour encadrer les banques d’importance systémique ou trop grandes pour faire faillite (TBTF). Le point sur la situation avec Roman Studer, CEO de SwissBanking, qui s’exprimait à l’occasion de la conférence de presse annuelle de l’Association suisse des banquiers (ASB).

L’Association suisse des banquiers (ASB) a présenté quelques résultats de son enquête d’opinion 2023 effectuée en décembre dernier à l’occasion de sa conférence de presse annuelle. Malgré l’effondrement de Credit Suisse il y a un an, il en ressort notamment que 85% des personnes interrogées ont toujours une opinion «neutre à très positive» au sujet des banques suisses et que 93% des sondés disent avoir une forte confiance dans la sécurité de leur banque principale, la jugeant «assez sûre à très sûre». En tant qu’association de branche, qu’est-ce qui vous importe le plus: l’image du public au sujet des banques suisses en général ou leur sentiment de confiance concernant la sécurité de leur établissement?

Les deux aspects sont bien sûr importants. Je pense toutefois qu’il est surtout essentiel que les clientes et les clients aient confiance dans le fait que les banques auxquelles ils confient leur argent soient sûres. Bien entendu, nous sommes toujours intéressés de savoir ce que les gens pensent de nous. A ce sujet aussi, nous nous réjouissons du fait que l’opinion des gens au sujet des banques suisses ait évolué de manière stable et qu’elle soit largement positive. 95% des personnes sondées jugent leur banque principale comme étant compétente, solide et digne de confiance.

«Avec un senior manager regime, le régulateur pourrait exclure à certaines personnes d’exercer des fonctions de direction dans une banque pendant plusieurs années, voire pour toujours.»

Le rachat de Credit Suisse a néanmoins relancé d’importantes discussions sur les mesures appropriées pour encadrer les banques. En plus de la possibilité pour les banques de pouvoir obtenir rapidement des liquidités auprès de la Banque nationale suisse (BNS), l’ASB soutient la mise place d’un instrument appelé public liquidity backstop (PLB) qui devrait être introduit en Suisse. Ne faudrait-il pas exiger aussi, en parallèle, que les banques d’importance systémique augmentent encore leurs fonds propres, afin d’être plus résistantes en cas de crise?

Le PLB est un moyen de compléter le dispositif existant en matière de TBTF. Ce n’est pas une mesure qui vise à se substituer au dispositif TBTG mais un mécanisme supplémentaire qui permettrait aussi d’être plus réactif en cas de crise. Introduire le PLB en Suisse se justifie pour au moins deux raisons: d’une part, il s’agit déjà d’une mesure reconnue sur le plan international. D’autre part, l’introduction du PLB était prévue avant la crise de Credit Suisse et son développement était déjà en cours. Il y a donc toutes les raisons de recourir à ce mécanisme.

Concernant l’idée d’exiger encore davantage de fonds propres de la part des banques d’importance systémique, le problème est que des fonds propres supplémentaires ne peuvent pas à eux seuls remédier à une situation de crise telle que l’a connue Credit Suisse. A fin décembre 2022, Credit Suisse ne manquait pas de fonds propres.

En plus de ces mesures, l’ASB soutient le fait d’ancrer dans la loi l’obligation de mettre en place une politique de rémunération axée sur le long terme ainsi que l’introduction d’un régime en matière de responsabilité ou senior manager regime. Pourquoi cette dernière mesure pourrait-elle empêcher la survenance d’une nouvelle crise plutôt que d’autres pénalités, telles que des amendes infligées aux banques fautives?

La particularité d’un tel senior manager regime est qu’il porte sur la responsabilité personnelle des membres du management d’une banque. Ainsi, tous les membres qui ont une certaine responsabilité dans la direction d’un établissement savent qu’une telle mesure peut aussi s’appliquer à eux personnellement. Cela serait certainement un facteur de discipline important pour les membres de la direction d’une banque. En outre, les sanctions ne seraient pas de manière uniquement financière mais porteraient aussi sur la carrière des personnes impliquées. Le régulateur pourrait en effet exclure à certaines personnes d’exercer des fonctions de direction dans une banque pendant plusieurs années, voire pour toujours.

«A fin décembre 2022, Credit Suisse ne manquait pas de fonds propres.»

Des mesures consistant à faire apparaître les personnes sanctionnées sur des «blacklists», comme cela existe dans certains pays, ne seraient-elles pas plus simples et plus efficaces?

Non, les sanctions pouvant être imposées dans le cadre du senior manager regime vont bien plus loin car elles empêcheraient à certaines personnes de pouvoir poursuivre leur carrière. C’est un régime de sanctions qui aurait un caractère préventif très important.

L’ASB indique vouloir renforcer sa présence en Suisse romande. Pourquoi?

Tout d’abord, car Genève est la deuxième place financière de Suisse et une grande partie de nos membres est sur place. C’est pourquoi nous voulons y être plus présent physiquement à l’avenir. Cela peut se traduire par une présence plus importante dans des événements, dans les médias ou lors de débats politiques, par exemple. 

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