De la construction d’une assurance maladie étatique

Anna Aznaour

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Réformer son système de santé tout en collaborant avec la pharma suisse sont les objectifs du Kazakhstan, expliqués par le ministre de la Santé Yelzhan Birtanov.

Un accès gratuit aux soins médicaux de base pour tous et partout dans le monde a été la résolution signée il y a 40 ans au Kazakhstan par la communauté internationale. Baptisée «déclaration d’Alma-Ata», cette noble intention n’a, et de loin, pas été mise en application depuis par l’ensemble de ses pays signataires. Le Kazakhstan, lui, comme tous les autres membres de l’Union soviétique de l’époque, prenait entièrement en charge les frais de la santé de sa population. Une politique que le pays applique jusqu’à ce jour, mais avec un virage annoncé pour 2020. Rester fidèle à son idéal tout un remplissant les caisses de l’État pour se donner les moyens de ses ambitions apparaît dès lors comme un défi de taille pour ce pays de 18 millions d’habitants qui va élire un nouveau président en juin prochain. En marge de l’Assemblée de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), rencontre avec le médecin et chercheur Yelzhan Birtanov, ministre de la Santé du Kazakhstan depuis 2019. 

«Chaque employé investira 1% de son salaire dans cette couverture médicale,
qui sera complétée par les 2% payés par son employeur.»
Comment comptez-vous réformer votre système de santé, jusqu’ici gratuit pour tous?

En construisant un nouveau modèle composé de trois paliers. Le premier palier s’aligne sur la Constitution du Kazakhstan, qui a toujours garanti des soins de base gratuits à tous ses résidents, étrangers y compris. Dans ce paquet de services entre l’accès à la plupart des prestations médicales, y compris les médicaments, la vaccination et la prévention. Le deuxième palier que nous sommes en train d’élaborer est axé sur une assurance maladie étatique, qui entrera en vigueur en 2020 et qui s’étendra à 90% de la population. D’après ce modèle, chaque employé investira 1% de son salaire dans cette couverture médicale, qui sera complétée par les 2% payés par son employeur. Ces pourcentages évolueront respectivement jusqu’à 2% et 3% d’ici 2023. Tandis que quinze catégories de la population – enfants, étudiants, retraités, handicapés, etc. – seront exemptées de ces frais grâce à l’État. Et finalement le troisième palier réunira les soins et les assurances privés.

Sur les près de 160 milliards de votre produit intérieur brut (PIB), quelle est la part des dépenses liées à la santé et quelles sont les maladies qui en sont les causes principales? 

Actuellement, les dépenses de santé constituent 3,1% du PIB du Kazakhstan, dont 60% sont à la charge de l’État, tandis que les habitants s’acquittent des 40% restants. Selon les directives et la planification étatiques, ces frais doivent passer à 5% du PIB d’ici 2023, avec un apport gouvernemental qui évoluera lui aussi, passant à 75% afin d’alléger le fardeau financier des citoyens. Concernant les pathologies, les maladies cardiovasculaires, les cancers et les troubles respiratoires restent en tête de liste, bien qu’en dix ans nous ayons réussi à réduire de moitié leur taux de létalité. Mais nous constatons également une augmentation significative des troubles autistiques qui sont probablement liés à la baisse du taux de mortalité des petits prématurés due à leur meilleure prise en charge. Par ailleurs, les traumatismes causés par les accidents de la route sont un fléau que nous tentons d’endiguer depuis des années.

«Des pourparlers sont en cours avec Roche
afin de faire bénéficier les patients kazakhs de leurs nouvelles technologies.»
D’après les statistiques, la Suisse est le cinquième partenaire commercial du Kazakhstan et son troisième investisseur. Comment cette collaboration se traduit-elle dans le secteur médical?

Deux leviers caractérisent cette coopération. Le premier est l’importation par le Kazakhstan de médicaments des sociétés Novartis et Roche pour un montant annuel d’environ 30 millions de dollars. Le deuxième se réfère à une collaboration scientifique en matière de recherche et de développement, avec par exemple la participation dans des études cliniques autour des traitements d’avant-garde contre le cancer. À ce sujet, des pourparlers sont en cours avec la compagnie Roche afin de faire bénéficier les patients kazakhs de leurs nouvelles technologies. 

Le Kazakhstan est-il également une destination pour le tourisme médical, et si oui, dans quels domaines?

Notre pays est à la pointe du progrès en matière de chirurgie cardiovasculaire, dont l’une des plus récentes prouesses est l’implantation d’une pompe cardiaque sans fil réalisée en 2019. Grâce à cette technologique unique développée en collaboration avec des compagnies américaines, européennes et israéliennes, le patient peut reprendre le cours normal de sa vie très rapidement. Pour assurer le bon fonctionnement de cette pompe, il suffit de porter une veste intelligente pendant un court laps de temps, qui la recharge sans causer d’inconvénient à son usager. Le seul bémol au tableau est le coût de cette technologie, actuellement inaccessible au plus grand nombre. Mais, l’année passée, 150 pays se sont réunis au Kazakhstan pour signer, une nouvelle fois, la déclaration de 1978, mise à jour, qui engage leurs gouvernements à garantir les soins de base à tous. Une initiative qui met l’accent sur la volonté politique indispensable à la protection de la santé de toutes les populations sans exception!

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