Dans cinq ans, on parlera encore de cryptomonnaies

Yves Hulmann

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Marc Bürki, directeur de Swissquote, explique pourquoi la banque en ligne va continuer d’étendre son offre de négoce de monnaies virtuelles.

Avec un bénéfice de 39,2 millions de francs, en hausse de 89%, l’exercice 2017 a été celui de tous les records pour Swissquote. Les avoirs des clients ont, eux, crû de près d’un tiers pour dépasser 24,1 milliards de francs, contre 18,6 milliards en 2016. Les avoirs des comptes de trading, qui s’élevaient à 23 milliards de francs (+31,6%), ont représenté la plus grande part du gâteau, suivi par ceux des comptes de «robo-advisory» à hauteur de 203,1 millions (+75,2%) et ceux dédiés au trading de devises (eForex) avec 328,9 millions (+45,5%). En marge de la présentation à Zurich des résultats 2017, Marc Bürki, le directeur de Swissquote, explique pourquoi il croit au potentiel de croissance supplémentaire de la société dans les domaines des conseillers robots, du négoce de devises et des monnaies virtuelles.

Pour l’exercice 2018, Swissquote prévoit une croissance du chiffre d’affaires net et de ses bénéfices de l’ordre de 10%. Qu’est-ce qui vous rend si optimiste?

On nous reproche souvent d’être trop prudents dans nos prévisions! Dans un secteur d’activité comme le nôtre, il est en réalité très difficile de respecter les prévisions que nous formulons. Nous pouvons certes contrôler l’aspect des coûts mais beaucoup moins celui des revenus. Dans ce contexte, on établit une sorte de scénario moyen, sachant qu’il sera soit dépassé, soit pas tout à fait atteint.

Les revenus des commissions de Swissquote, en ce qui concerne la partie du trading, dépendent du nombre de transactions effectuées par les clients. Les phases de fortes turbulences sur les marchés, comme début février, sont-elles bonnes ou mauvaises pour vos affaires? Les clients sont-ils alors plus enclins à investir pour tirer parti d’une volatilité accrue sur les marchés ou restent-ils plutôt en retrait?

La correction de début février est un rappel à l’ordre. Elle a rappelé que les arbres ne montent pas jusqu’au ciel. Les risques géopolitiques restent importants. Il y a aussi le risque Trump et la difficulté pour les participants au marché de s’adapter à chacune de ses décisions. Il a suffi jeudi d’une seule de ses déclarations, à propos des droits de douane, pour que la volatilité redevienne très forte. En outre, la longue période durant laquelle il y a eu à la fois à une baisse régulière de la volatilité et une croissance continue ne pouvait pas non plus durer éternellement. 2018 sera une année plus compliquée que la précédente.

Nous comptons beaucoup de gérants indépendants
parmi les utilisateurs de notre offre de «robo-advisory».
Parmi les secteurs d’activités en forte croissance chez Swissquote en 2017, il y a eu celui des conseillers robots, ou «robo-advisors». Les avoirs des comptes de «robo-advisory» ont crû de 75% pour atteindre 203,1 millions, tandis que le nombre de comptes affectés à ce but a augmenté de 22%. Pendant longtemps, Swissquote avait surtout encouragé ses clients à être plus actifs sur les marchés. Avec les conseillers robots, l’approche est inverse. Comment gérez-vous ce décalage?

Il est intéressant de se souvenir comment nous avons mis en place notre première offre de type «robo-advisory», présentée au départ sous le nom de ePrivate Banking. En 2010, un client, autodidacte, qui obtenait de bons résultats avec ses placements, nous a contactés pour savoir s’il ne serait pas possible de mettre en place un système d’avertissements, par exemple quand il y a des mouvements au sein de son portefeuille ou des changements dans l’environnement de marché. Car s’il s’intéressait à l’investissement, suivre les marchés n’était pas pour autant son seul hobby. C’est dans ce contexte que l’on a, peu à peu, mis en place une offre de type «robo-advisory». Aujourd’hui, il y a toute une catégorie d’investisseurs qui ont un avis global sur les marchés mais qui ne veulent pas se charger en détail du processus d’investissement. Ils n’ont souvent pas le temps, la patience ou la volonté d’analyser chaque position, d’acheter ou de revendre des titres, etc. Pour autant, ces personnes souhaitent garder le contrôle complet de leurs investissements plutôt que de déléguer ce travail à un gérant ou d’acheter une sélection de fonds.

Quel volume visez-vous dans ce domaine?

Nous visons le cap du milliard de francs pour les avoirs des clients dans les services de «robo-advisory» d’ici à 2020. Chaque année, nous avons doublé de volume dans cette activité: 60 millions en 2015, 100 millions en 2016, plus de 200 millions en 2017. Atteindre cet objectif me paraît être à portée d’atteinte. Pour y parvenir, nous allons aussi offrir une interface simplifiée pour les clients. Aujourd’hui, recourir au «robo-advisory» est encore un peu intimidant mais nous allons simplifier cette plateforme.

Est-elle aussi utilisée par des professionnels de l’investissement?

Oui, bien sûr. Nous comptons beaucoup de gérants indépendants parmi les utilisateurs de notre offre de «robo-advisory». Ceux-ci ne veulent plus se charger de toute la partie la plus administrative et fastidieuse du travail mais préfèrent déléguer ces aspects à une plateforme comme celle que nous proposons. A terme, je suis convaincu que les gestionnaires de fortune ne pourront plus se passer des conseillers robots. Cela leur laissera davantage de capacités pour se consacrer à d’autres tâches.

Un autre segment en forte croissance l’an dernier a été celui des devises. Les avoirs des comptes eForex ont crû de 45% à 328,9 millions de francs. Comment expliquez-vous cet engouement?

D’une part, il y a le fait que les marchés des devises ne s’arrêtent pratiquement jamais. Certaines personnes font du trading en devises le soir à côté de leur activité professionnelle. D’autre part, c’est un domaine où la liquidité est aussi très forte pour un choix d’investissements relativement limité. Il y a environ une trentaine de paires de devises qui sont les plus souvent échangées. Il existe de véritables aficionados du trading en devises.

«Il y a une forte pression réglementaire
mais celle-ci est en partie souhaitable.»
Les restrictions accrues mises en place actuellement ne vont-elles toutefois pas limiter l’attrait du négoce de devises pour les particuliers?

Il y a une forte pression réglementaire mais celle-ci est en partie souhaitable. Dans ce domaine, certains acteurs basés dans des juridictions peu contrôlées opèrent avec très peu de capitaux. Un certain nettoyage au sein de ce secteur n’est, de ce fait, pas étonnant.

Voyez-vous des opportunités d’achats dans le domaine des devises?

Pas nécessairement, et en tout cas pas à l’étranger. Lorsque vous reprenez un portefeuille de clients, la qualité de la documentation des clients n’est pas du même niveau que celle requise pour les activités bancaires. En plus, c’est une clientèle très volatile qui n’hésite pas à changer souvent de prestataire.

Un autre secteur en plein boom est celui des cryptomonnaies. Après le pic de revenus observé en décembre, les volumes des transactions en bitcoins et autres monnaies virtuelles ont diminué. Vaut-il encore la peine d’investir dans un domaine où le boom observé l’an dernier risque de retomber?

Même si le boom retombe un peu, les cryptomonnaies restent un domaine de développement intéressant pour Swissquote. On observe une sorte de socle incompressible d’environ 300’000 francs de chiffre d’affaires par semaine. Et il y a toujours beaucoup de demandes d’ouvertures de comptes pour les cryptomonnaies, en dépit du négativisme ambiant à leur sujet. Tout cela malgré les incessants avertissements lancés par toutes sortes d’autorités, en dépit des nombreuses critiques émises par les banques centrales et par des représentants des grandes banques. On voit ainsi que l’influence de telles instances a diminué auprès des investisseurs.

Ces critiques ne sont-elles pas justifiées au vu de l’incroyable volatilité du cours des cryptomonnaies?

Bien sûr, on peut espérer qu’elles évoluent de manière plus stable à l’avenir. Toutefois, pour quelle raison peut-on dire que le Bitcoin n’a pas de valeur et que l’or en a? L’or a aussi la valeur que les investisseurs veulent bien lui attribuer! De notre côté, nous pensons que l’on parlera encore des cryptomonnaies dans cinq ans et c’est pourquoi nous poursuivons nos investissements dans ce secteur. Pour 2018, nous avons 12 millions de francs prévus dans notre budget pour les développements dans les cryptomonnaies.