Décarbonisation: un effort réel et orienté à long terme

Yves Hulmann

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Koen Popleu, gérant chez Candriam, sélectionne les fournisseurs des solutions qui s’adressent spécifiquement au changement climatique.

Le changement climatique est l’une des préoccupations majeures actuelles. En tant qu’investisseur, comment peut-on sélectionner les entreprises qui contribuent à atténuer le changement climatique, ou qui, du moins, permettent de s’adapter à ses conséquences? Entretien avec Koen Popleu, gérant de fonds senior chez Candriam et responsable du fonds «Climate Action» qui met l’accent sur la décarbonisation volontaire et sur les opportunités créées par le passage à une économie décarbonisée.

Vous gérez un fonds dédié à l’action climatique. En quoi se distingue-t-il, d’un côté, des autres fonds qui prennent aussi en considération les aspects ESG, incluant aussi la dimension environnementale dans leur politique de placement et, de l’autre, de l’investissement d’impact proprement dit?

Nous mettons l’accent sur les entreprises qui fournissent des solutions, ou «solution providers», qui s’adressent spécifiquement à la problématique du changement climatique. Sans être directement labellisée comme fonds d’impact, notre approche de placement a néanmoins un impact sur l’action des entreprises dans le sens où nous avons un engagement réel et assez intensif avec les sociétés dans lesquelles nous investissons.

La part minimale des ventes qui doit être réalisée
par une société est définie différemment pour chaque thème.
Comment définit-on un «fournisseur de solutions» dans ce domaine?

Au départ, nous sommes partis d’une feuille blanche en considérant toutes les formes d’activités, technologies ou sources d’énergie qui permettent d’une manière ou d’une autre de réduire l’empreinte carbone. Il peut s’agir aussi bien de l’énergie solaire, éolienne, de la biomasse, des éclairages LED, des réseaux électriques intelligents («smart grid») ou encore des véhicules électriques. Pour chacun de ces domaines, nous avons pris en considération deux aspects: d’une part, comment ces activités ou techniques contribuent à réduire les émissions de CO2 («mitigation») et, d’autre part, dans quelle mesure elles permettent de s’adapter aux effets du changement climatique («adaptation»).

Pratiquement, quelle est la part minimale du chiffre d’affaires réalisé par une entreprise se rapportant à l’un ou l’autre de ces différents critères pour que celle-ci puisse être intégrée dans votre fonds?

La part minimale des ventes qui doit être réalisée par une société est définie différemment pour chaque thème. Nous n’établissons toutefois pas un classement de ces différentes solutions. Dans les énergies renouvelables, on ne va, par exemple, pas dire que le solaire est mieux que l’éolien; au contraire, on encourage plutôt les entreprises à exploiter toutes les technologies ou solutions qui contribuent à une décarbonisation de l’économie au sens large. Il faut utiliser toutes les solutions à disposition qui contribuent à cet objectif – pas seulement se concentrer sur quelques technologies ou activités emblématiques comme la production d’énergie renouvelables ou les véhicules électriques. Plus la part des revenus issus d’activités en lien avec cet objectif de décarbonisation est élevée, mieux c’est bien entendu. Pour autant, nous voulons aussi soutenir des entreprises «mainstream» qui développent aussi certaines technologies innovantes en marge de leur activité principale. Par exemple, une entreprise issue du secteur de l’énergie qui réalise 5% de ses revenus dans l’hydrogène peut ainsi figurer dans notre fonds, à condition que son engagement en faveur de la décarbonisation soit réel et orienté à long terme.

Notre critère est celui du cycle de vie d’ensemble,
ou «total life cycle», d’un produit.
Vous prenez donc aussi en compte les efforts entrepris par les sociétés – pas seulement leur portefeuille d’activité actuel?

Oui, on est orienté vers l’avenir dans notre processus de sélection de sociétés. On tient compte des efforts mis en place par celles-ci.

Si un grand groupe énergétique est aussi actif dans le nucléaire, pourra-il être tout de même intégré dans votre portefeuille?

Nous n’allons bien sûr pas investir directement dans des projets ou des activités directement liés à la production d’énergie nucléaire. Il se peut en revanche que ce soit le cas pour le financement de projets distincts dédiés aux énergies renouvelables ou de filiales spécifiques. On est pragmatique et on analyse les sociétés au cas par cas.

Les véhicules électriques font aussi débat: d’un côté, ils contribuent à réduire les émissions de CO2 lors de leur fonctionnement; de l’autre, leur fabrication requiert des métaux rares, souvent très polluants au moment de leur extraction. Comment trancher?

Notre critère est celui du cycle de vie d’ensemble, ou «total life cycle», d’un produit. Du fait que les véhicules électriques pollueront beaucoup moins que les voitures à moteur thermique classique tout au long de leur cycle de vie, on peut dire qu’ils contribuent à réduire les émissions de CO2 et participent à la décarbonisation de l’économie.

Pour prendre un exemple connu, la société Tesla pourrait-elle être intégrée dans votre portefeuille actuellement?

En théorie, oui, car elle ne vend que des véhicules électriques. Elle satisfait ainsi aux critères environnementaux. En termes de valorisation, la question se pose différemment. Nous prenons en compte non seulement la croissance sous-jacente du marché concerné mais aussi d’autres critères financiers comme les marges, les flux de trésorerie, etc. En intégrant tous ces critères, le nombre de sociétés dans lesquelles nous investissons réellement est finalement assez restreint. Partant d’un univers d’investissement initial très large, nous n’investissons au final que dans un nombre de 50 à 70 actions.