Coup de projecteur sur NS Partners

Nicolette de Joncaire

3 minutes de lecture

La société de gestion fête soixante ans d’existence et continue de revendiquer un esprit pionnier. Entretien avec Frédéric de Poix.

NS Partners a été fondée il y a 60 ans sous le nom de Notz Stucki par Beat Notz, un visionnaire atypique, rejoint par Christian Stucki. En 2021, la société change de nom pour refléter le changement de génération mais reste fidèle à ses racines. A la direction du Wealth Management, Frédéric de Poix revient sur ce qui a animé la création de la société, ce qui en perdure aujourd’hui et sa rapide croissance qui en fait l’un des gérants les plus importants de la place.

En quoi l’origine de NS Partners diffère-t-elle de celle des autres sociétés de gestion?

Son fondateur, Beat Notz, rapidement rejoint par Christian Stucki, était un visionnaire atypique. En effet, il a eu une idée simple mais révolutionnaire: pour obtenir les meilleurs résultats, il fallait travailler avec les meilleurs gérants. Et donc compléter les ressources internes à l’entreprise en trouvant ailleurs ces talents supplémentaires. Il est donc allé chercher la performance aux USA, en déléguant la gestion à des managers qu’il estimait plus compétents que lui-même. Les deux associés rencontrent alors successivement Michael Steinhardt, puis en 1970 George Soros. Ils sont ainsi à l’origine de la gestion alternative, notamment à travers Haussmann, l’un des tout premiers fonds de hedge funds lancé en 1974 qui connut une croissance incroyable. La place genevoise était alors très novatrice; des établissements comme Rothschild ou Mirabaud surfaient sur la même vague.

«Les nouvelles générations sont arrivées par cooptation et la société est dirigée non par un CEO mais par un comité exécutif, un peu comme le Conseil fédéral.»

Que s’est-il passé ensuite?

Une première remise en question est née de la crise de 2008 avec pour conséquence le premier passage de génération et la décision de développer une expertise interne forte destinée à compléter les gérants alternatifs et consacrée cette fois à la gestion long only. Démarrée de zéro, cette approche s’est traduite par le recrutement d’une série de talents internes et a connu un grand succès: notre stratégie Stock Selection, dirigée par Pierre Mouton, est ainsi notée 5 étoiles par Morningstar. Ses avoirs se montent aujourd’hui à 800 millions de francs dont 500 millions dans la version UCITS. Le changement générationnel de 2010 a donc été reflété par l’addition d’une chaine de valeur interne à celle de l’architecture ouverte. Car nous avons conservé la gestion alternative et fêtons les 50 ans de Haussmann cette année avec 1,2 milliard de francs d’encours. Le fonds continue de donner accès aux grands gérants historiques, ainsi qu’à de nouvelles stars, et nous avons développé en parallèle de nouveaux fonds multi-gérants. Il y a un peu plus de deux ans, la raison sociale de la société est devenue NS Partners, une modernisation qui voulait toutefois conserver une référence aux fondateurs. Enfin, au printemps dernier, nous nous sommes installés à l’Hôtel des Postes, de larges bureaux qui nous offrent des perspectives de croissance. Nous sommes prêts pour les 60 prochaines années!

Reste-t-il des membres des familles fondatrices dans la société?

Grégoire Notz, fils de Beat Notz, dirige la stratégie et le développement du groupe et siège au conseil d’administration.

Comment est géré NS Partners aujourd’hui?

Les nouvelles générations sont arrivées par cooptation et la société est dirigée non par un CEO mais par un comité exécutif, un peu comme le Conseil fédéral, au sein duquel les décisions sont prises par consensus. Ce qui nous caractérise ce sont l’esprit entrepreneurial et le mélange de cultures. Les relationship managers sont associés au résultat.

Combien d’employés comptez-vous?

Nous en comptons 70 à Genève et 125 au total. Pour des montants sous gestion de plus de 11 milliards de francs.

Quels sont les piliers de votre activité?

Nous avons trois métiers très complémentaires. La gestion de fortune, dont je suis responsable, la gestion d’actifs, dirigée par Angel Sanz, et une ManCo luxembourgeoise menée par Paolo Faraone. Le Wealth management compte une vingtaine de relationship managers et nous espérons y ajouter trois ou quatre personnes par an dans les prochaines années, maintenant que nous ne sommes plus contraints par la taille de nos bureaux. En matière d’asset management, nous avons gardé l’esprit pionnier qui nous animait il y a 60 ans et sommes continuellement à la recherche de nouveaux talents avec plus de 800 rencontres de gérants par an dans le monde. Nous avons aussi pris à bord un certain nombre d’anciens banquiers qui désiraient rejoindre une structure plus légère et entrepreneuriale que ce que peut offrir l’univers bancaire.

Où se trouvera, selon vous, la croissance dans l’asset management?

Après 15 ans d’hégémonie de la gestion passive, rendue possible par des conditions de marché exceptionnelles, nous pensons que le moment de la gestion active et notamment de la gestion alternative est revenu. La création de richesse est importante dans les hedge funds, mais aussi dans les actifs privés non cotés. Nous croyons toutefois profondément aux hedge funds parce que nous en obtenons une bonne transparence et qu’ils sont plus liquides. Cette année 2024 démarre d’ailleurs avec des performances remarquables. Nous investissons beaucoup avec des gérants long/short equity qui tirent leur épingle du jeu grâce aux taux d’intérêt plus élevés discriminant les bonnes sociétés de celles qui souffrent. Notre fonds Lynx qui se concentre sur l’Europe offre des résultats remarquables depuis des années.

Et à l’interne, comment procédez-vous?

Nous testons des idées avec des AMC (Actively Managed Certificates), pour en faire ensuite des fonds si le concept fait ses preuves. Nous engageons aussi des partenariats un peu «exotiques», comme avec la firme horlogère Franck Muller sur la gestion des produits de luxe sous la responsabilité de Marie-Caroline Fonta-Benoiston. Le fonds fête aujourd’hui ses 10 ans.

Pouvez-vous nous donner une idée de votre croissance sur 10 ans?

Il y a 10 ans, nos encours se montaient à 7 milliards de francs, ils sont aujourd’hui de 11 milliards. Il y a 10 ans, nous étions 50 à Genève et moins de 80 au total. Aujourd’hui nous sommes plus de 125. Nous avons beaucoup embauché dans tout ce qui est support car nous faisons tout en interne: le contrôle du risque, la compliance, le trading, le middle-office et le back office. Pour bien servir le client, il faut maitriser toute la chaine de valeur même si cela exige beaucoup de ressources.

En quoi vous estimez-vous différents des autres gérants?

Notre taille est plus importante, ce qui nous donne les moyens d’investir dans la technologie et les structures. Par ailleurs, notre alignement avec nos clients est complet: nous ne touchons aucune rétrocession et investissons les fonds propres de la maison comme ceux de nos clients. Nous sommes rétribués par des performance fees, ce que les clients apprécient.

Où en êtes-vous en termes d’implantation géographique?

Nous sommes actifs à Madrid, à Milan, à Londres et à Zurich. Notre ManCo opère au Luxembourg. Nous possédons également une licence SEC, qui nous permet de répondre aux besoins de la clientèle nord-américaine, et avons conservé des bureaux aux Bermudes. Après nous être engagés très tôt au Moyen-Orient et en Asie, nous y avons renoncé par la suite.

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