La Finma dénonce de graves manquements chez Raiffeisen

AWP

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L’Autorité de surveillance des marchés estime que l’établissement a négligé son devoir de surveillance vis-à-vis de Pierin Vincenz. Raiffeisen adhère aux conclusions.

©Keystone

Raiffeisen s’est rendu coupable de graves manquements dans la gouvernance d’entreprise, affirme jeudi l’Autorité de surveillance des marchés financiers au terme de son enquête sur la banque. La Finma estime que l’établissement n’a pas «correctement pris la mesure de certains conflits d’intérêts» et négligé son devoir de surveillance vis-à-vis de son ex-directeur général Pierin Vincenz.

Le gendarme financier a bouclé la procédure d’examen approfondi («enforcement») lancée en octobre dernier dans le sillage de l’affaire Vincenz. Ce dernier est soupçonné de gestion déloyale lorsqu’il présidait la société de cartes de crédit Aduno.

Dans son communiqué, la Finma dénonce une «violation grave» des dispositions des droits de la surveillance. Lors de son engagement à la tête de Raiffeisen, M. Vincenz a multiplié les prises de positions dans des entreprises, débouchant sur des cumuls de fonction et des conflits d’intérêt.

La procédure a porté en particulier sur les parts détenues par la troisième banque suisse dans Investnet Holding. Pierin Vincenz est devenu actionnaire minoritaire de cette société de participation en rachetant des parts à son employeur tout en bénéficiant de crédits généreusement alloués par Raiffeisen.

Risque réputationnel

Le gendarme financier décrit l’opacité avec laquelle l’ancien CEO a mené ses opérations, parfois au profit de proches et en prenant le soin d’écarter les questions gênantes lors des séances du conseil d’administration. Malgré cette volonté de dissimulation, l’organe de surveillance a failli à sa tâche, manquant d’assiduité dans le suivi des transactions incriminées.

Selon la Finma, les administrateurs ont également fait preuve de légèreté au sujet des dépenses de Pierin Vincenz et des honoraires élevés versés à un proche conseiller. Le conseil d’administration a eu connaissance de ces dépassements budgétaires mais n’a jamais émis de réserves.

Les faits constatés sont constitutifs d’une violation grave du devoir de surveillance, mais font également courir un risque réputationnel à la banque, qui fait partie des cinq établissements suisses présentant un risque systémique.

Réaction positive de Raiffeisen

Dans un communiqué distinct, Raiffeisen fait amende honorable et reconnaît les faits dénoncés par la Finma. «Nous allons veiller à ce que de tels manquements ne se reproduisent pas», affirme le vice-président Pascal Gantenbein, cité dans le document.

La banque souligne avoir déjà adopté des mesures pour corriger les dysfonctionnements il y a deux ans, des efforts d’ailleurs reconnus par la Finma. L’autorité juge ces mesures «appropriées», à conditions qu’elles soient effectivement et correctement mises en oeuvre.

La Finma réclame malgré tout des mesures supplémentaires et exige un renouvellement du conseil d’administration de Raiffeisen Suisse ainsi qu’un renforcement des compétences techniques de ses membres, notamment en terme de conformité («compliance»).

Pas de sanctions

Pour la coopérative bancaire, les démissions effectives ou annoncées de cinq administrateurs répondent à ce besoin de renouvellement. Deux nouveaux candidats brigueront un siège au conseil d’administration lors de l’assemblée générale de samedi. L’affaire Vincenz servira de toile de fond à ce rendez-vous, qui s’annonce houleux.

S’il affirme continuer à suivre le dossier, le gendarme financier n’impose aucune sanction à Raiffeisen ou ses dirigeants. Elle exige quelques mesures supplémentaires, comme l’examen d’une transformation de la banque en société anonyme.

Pierin Vincenz a opéré en tant que directeur général de Raiffeisen de 1999 à 2016 et détenait plusieurs mandats auprès de conseils d’administration, notamment en tant que président (1999 à 2017) d’Aduno, détenu à plus de 25% par Raiffeisen.

L’homme est dans le viseur de la justice et fait l’objet d’une procédure pénale. Il a été libéré mercredi de sa détention préventive, après avoir passé 106 jours sous les verrous.

L’affaire a éclaté en décembre dernier quand Aduno a porté plainte contre son ancien président, lui reprochant de s’être enrichi personnellement lors de plusieurs acquisitions et notamment avec la société d’investissement Investnet, revendue depuis par Raiffeisen. Pierin Vincenz a toujours contesté les accusations portées à son encontre.

L’année dernière, la Finma avait lancé une mesure d’enforcement à l’encontre de Pierin Vincenz, une procédure classée en décembre dernier car devenue «sans objet», puisque l’ancien CEO avait renoncé à toute responsabilité dans le domaine financier. La poursuite de la procédure aurait eu uniquement une valeur symbolique, selon l’autorité.