D'abord la BCE, puis (peut-être) la Fed - Perspectives The Globe par Eurizon

Eurizon Asset Management

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L’attention des investisseurs continue de se focaliser sur les chiffres de l’inflation aux Etats-Unis, qui ont dépassé les attentes pour le troisième mois d’affilée.

Il n’y a pas de véritable réaccélération de l’inflation américaine, mais une stabilisation autour de 3,5% à 4,0% en variation annuelle, un niveau supérieur à l’objectif de la banque centrale et aux prévisions du consensus.

L’interruption de la tendance à la baisse de l'inflation se conjugue et témoigne de la vigueur de l’activité économique. Même ces dernières semaines, les statistiques macroéconomiques américaines ont généralement surpris le consensus, entraînant une révision à la hausse des prévisions de croissance pour 2024 qui s’établissent désormais à 2,4%, un niveau comparable à celui enregistré en 2023.

En conséquence, les anticipations de politique monétaire de la Fed ont été réajustées, entraînant une remontée des taux obligataires.

À fin 2023, au vu du recul marqué de l’inflation au cours des mois précédents, les contrats à terme sur le marché monétaire laissaient supposer une première baisse des taux de la Fed dès le mois de mars.

Ces anticipations ont été progressivement révisées. Le cycle de baisse des taux de la Fed a été reporté (le marché anticipe désormais la première baisse en septembre) et son ampleur a été réduite (le marché intègre une diminution globale de 150 points de base d’ici la fin 2025, de 5,5% à 4%; au début de l’année, le taux final attendu était de 3%).

Les anticipations vis-à-vis de la BCE sont plus stables, l’inflation et la croissance économique étant plus faibles qu'outre-Atlantique. L’inflation dans la zone euro a encore reculé en mars, s’inscrivant à 2,4% sur un an (2,9% pour l’indicateur sous-jacent).

Les prévisions de croissance pour 2024 se stabilisent à 0,5%, en ligne avec celle enregistrée en 2023. Les statistiques mensuelles confirment que l’activité économique se redresse progressivement, s'éloignant du risque de récession.

Cela étant, la croissance de la zone est nettement inférieure à celle des États-Unis et au rythme du cycle précédent. Pour la BCE, les anticipations semblent se consolider autour d’une réduction des taux de 25 points de base lors de la réunion du 6 juin, suivie de mouvements similaires dans les mois suivants, portant le taux de dépôt à 2,5% à fin 2025 contre 4% actuellement.

Au cours des prochaines semaines, après la réunion de la Fed du 1er mai, l’attention se portera plus particulièrement sur les chiffres de l'inflation aux États-Unis (15 mai) afin de déterminer s’il y a lieu de considérer que le report de la baisse des taux de la Fed est entériné ou non.

Dans la zone euro, il s’agira d’évaluer l’incidence de la hausse récente des prix du pétrole et des métaux industriels, conjuguée à la baisse de l’euro, sur l’inflation, ce qui pourrait modifier les anticipations relatives aux interventions de la BCE de manière moins accommodante.

L'impact des questions d’ordre géopolitique sur le marché demeure pour l’instant limité. Les tensions au Moyen Orient ont généré de la volatilité sur le prix du pétrole, qui était déjà orienté à la hausse en raison de la reprise de la croissance mondiale. Les élections présidentielles américaines de novembre sont encore considérées comme lointaines.

Tandis que la Chine joue un rôle globalement modeste en termes de politique étrangère, elle s’efforce de calibrer les mesures de relance de son économie pour la maintenir sur la voie d’une croissance non inflationniste en visant une expansion annuelle de 5%.

Le report de la baisse des taux aux États-Unis fait remonter les rendements obligataires américains et, par contagion, ceux de la zone euro, malgré des anticipations inchangées concernant la réduction des taux de la BCE.

L’évolution défavorable depuis le début de l’année ne remet pas en cause l’attractivité des marchés obligataires à moyen terme, notamment en ce qui concerne les échéances courtes et moyennes.

En effet, il faut considérer qu'il n'est pas envisagé une reprise de la hausse des taux de la part des banques centrales, mais un report du début des baisses et une diminution de leur ampleur globale.

Et plus les banques centrales maintiendront les taux à leurs niveaux actuels, plus longtemps l’investisseur encaissera des coupons à court et moyen terme élevés et supérieurs à l’inflation.

En outre, les échéances plus longues, dans le contexte actuel, doivent avant tout être considérées comme une police d’assurance contre l’éventualité d'un futur ralentissement macroéconomique. Une assurance qui paie le souscripteur de la police (et non l'inverse) sous forme de taux réels positifs. D’où la préférence pour les titres réels (indexés sur l’inflation), malgré la forte volatilité des cours.

Le retour d'une volatilité défavorable sur les marchés obligataires a été bien toléré par les marchés actions, qui ont toutefois fait l'objet de prises de bénéfices durant la première quinzaine d'avril, après un premier trimestre haussier.

L’incertitude entourant les décisions de politique monétaire, si elle persiste, pourrait ramener une certaine volatilité sur les marchés boursiers. Ceci nous remémore septembre/octobre dernier, lors de la dernière véritable correction des marchés actions, lorsque le thème «High for longer» (l’hypothèse de taux des banques centrales demeurant élevés plus longtemps que prévu) avait entraîné une contagion des marchés obligataires vers les actions.

Après un premier trimestre aussi positif pour les marchés actions, une pause de réflexion est envisageable et la relance du débat sur l'inflation et les taux aux États-Unis pourrait être le bon prétexte.

Les perspectives à moyen terme pour les marchés actions restent toutefois positives. La raison pour laquelle l’inflation a du mal à baisser aux États-Unis est la vigueur de l’économie sous-jacente, qui soutient en fin de compte les bénéfices des entreprises et la tendance haussière des marchés boursiers.

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